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40 ans plus tard, les Afro-Américains disproportionnellement touchés par le sida

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40 ans plus tard, les Afro-Américains disproportionnellement touchés par le sida

Dans les années 1990, Dedra Spears-Johnson travaillait comme assistante sociale dans la banlieue de Washington, en pleine épidémie de sida. Une position qui lui a permis de mesurer les immenses difficultés auxquelles les femmes afro-américaines infectées par le VIH étaient confrontées.

Depuis 1995, des traitements très efficaces existent, mais encore aujourd’hui, beaucoup de ces femmes ne les prennent pas, à cause de barrières économiques mais aussi culturelles.

“Il y a une honte autour du fait d’être touché par cette maladie”, dit Dedra Spears-Johnson à l’AFP. “Dans nos communautés, on ne parle pas de sexe”.

Le premier signalement de cette maladie rare, baptisée plus tard sida, date d’il y a 40 ans. Mais l’accès aux traitements révolutionnaires développés depuis continue à poser problème aux Etats-Unis, particulièrement pour les Afro-Américains. Et les inégalités se creusent.

Sur le total de nouvelles infections chaque année, la proportion de personnes noires est passée de 29% en 1981 à 41% en 2019, selon une analyse des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC).

Les hommes noirs gays ont beaucoup plus de chance d’être exposés au virus, “à cause de la forte prévalence du VIH” parmi cette population, explique un rapport de l’amfAR, une fondation pour la recherche sur le sida. D’autres facteurs jouent: “un historique de négligence de la part des institutions, un manque de ressources, d’accès aux soins de santé et à un filet social”.

Dès le départ, “j’étais aux premières loges pour constater que des gens n’étaient pas aidés”, raconte Dedra Spears-Johnson. C’est pourquoi elle a co-fondé une organisation, Heart to Hand Inc., qui tente d’apporter des réponses aux problèmes concrets auxquels les mères peuvent parfois faire face, comme pour la garde d’enfants, ou les transports.

– Traitement préventif peu utilisé –

Le 5 juin 1981, les CDC ont pour la première fois décrit une forme rare de pneumonie chez cinq hommes gays, marquant le début de l’épidémie aux Etats-Unis.

Un premier médicament antirétroviral (AZT) est autorisé dans le pays en 1987. Mais les effets secondaires, notamment l’anémie, sont nombreux. En 1995, d’autres traitements plus efficaces marquent un tournant, et l’année suivante le nombre de morts de la maladie baisse pour la première fois. Mais les patients doivent prendre 12 à 16 pilules par jour, ce qui les rend malades.

En 2012, l’Agence américaine des médicaments autorise la PrEP, un traitement préventif prescrit aux personnes à haut risque d’être exposées à une éventuelle infection. Cela conduit à une forte baisse des taux de transmission.

Ainsi, le nombre annuel de nouvelles infections au VIH a chuté de 73% entre 2019 et le pic des années 1980.

Mais sur les 23% de personnes utilisant effectivement la PrEP parmi celles qui pourraient en bénéficier, seules 8% étaient noires, contre 63% de Blancs, selon les CDC.

– “Honte” –

David Wilson, un jeune homme noir gay de 33 ans séronégatif, a décidé de commencer la PrEP après avoir découvert que son partenaire avait été contaminé en couchant avec quelqu’un d’autre.

“Je suis réaliste sur mes pratiques sexuelles”, explique-t-il. “C’est pour ça que j’ai décidé de commencer la PrEP”.

Il est traité au centre de santé Whitman-Walker, à Washington, où un système a été mis en place pour faciliter un accès abordable aux traitements. Les patients n’ayant pas d’assurance santé sont mis en relation avec des professionnels pouvant les renseigner au mieux. Le but: qu’ils puissent ressortir le jour même avec des médicaments.

Ce centre a commencé à soigner les hommes gays dès les années 1970. “Nous étions les premiers à répondre à l’épidémie de sida à Washington”, explique Juan Carlos Loubriel, responsable à Whitman-Walker.

“Il y avait tellement de honte au départ”, retrace à l’AFP SaVanna Wanzer, une femme noire transgenre, infectée en 1985 et ancienne membre du conseil d’administration du centre. “On vous traitait comme si vous étiez un moins-que-rien.”

Peu de gens savaient à l’époque comment la maladie était transmise, et elle se souvient de patients laissés seuls dans des chambres pour y mourir, “leurs plateaux repas empilés devant leur porte”.

A l’époque, le but à Whitman-Walker était que les patients meurent dans la dignité. Mais aujourd’hui “nous avons des instruments que nous n’avions pas par le passé”, dit Juan Carlos Loubriel. “Nous pouvons traiter les gens comme des personnes à part entière, et les aider à prendre soin de leur santé.”

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