A Mexico, l’espoir tenace de proches de disparus devant un immeuble en ruines

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Six tentes sont plantées sur le trottoir. Une femme âgée, un gilet rose sur ses frêles épaules, essuie ses larmes devant le panneau où sont inscrits les noms des personnes encore prisonnières d’un immeuble qui s’est effondré quand un terrible séisme a secoué Mexico.

Voilà plus de 48 heures qu’ils attendent et le compte-à-rebours se fait plus pressant. Mais les proches de ces disparus faisaient montre jeudi d’un espoir résolu.

“On sait qu’elle est vivante et on ne partira pas tant qu’elle ne sera pas sortie avec nous”, jure, émue, Olinca Gonzalez. Cette femme de 29 ans tient dans les mains un panneau en carton avec la photo de l’épouse de son père. Leonor Santiago, 45 ans, travaillait dans un cabinet de comptables de l’immeuble en face.

Il n’en reste qu’un amas de gravats, de l’autre côté de la rue Alvaro Obregon, sur lequel s’activaient encore en fin de journée jeudi des sauveteurs professionnels et des militaires.

Dans cet immeuble travaillait aussi comme comptable Karina Gabriela Albarran Luna, âgée de 30 ans. Son oncle Armando, le regard déterminé, parle pour sa soeur, trop émue pour témoigner. “Des indices montrent qu’il y a encore des gens là-bas, il paraît qu’elle est encore vivante. (…) L’espoir est toujours là”.

Déjà 28 personnes en vie ont été retirées des gravats. Surtout dans les premières heures mardi mais depuis jeudi matin, personne n’a été secouru. Pendant toute la journée, les familles ont suivi au loin le travail des sauveteurs sur l’immeuble écrasé, certains priant avec ferveur. Les autorités refusent de dire combien seraient encore vivants sous cette chape de béton poussiéreuse.

– ‘Mon père est resté’ –

Gustavo Caballero tourne le dos aux ruines de l’immeuble où, il en est convaincu, son père David, un électricien de 70 ans, est enterré vivant.

“Mon père n’était jamais venu ici”, dans le quartier branché de Roma, aux beaux immeubles anciens et aux places arborées. “Mais il est venu installer des caméras de surveillance avec quelqu’un d’autre. Ils allaient sortir manger mais son collègue est sorti un peu plus tôt pour payer le parcmètre qui terminait à 13H15 et mon père lui a dit : +vas-y je te rattrape tout de suite+”, raconte Gustavo, la voix solide.

A 13H14, la terre a tremblé sous le coup d’un séisme de magnitude 7,1. “L’autre personne avait pris l’ascenseur et a réussi à sortir, mais mon père est resté en haut”.

Comme les autres proches, il garde une confiance confinant à la foi. “Nous n’allons pas perdre espoir, d’ailleurs j’ai dit à ma mère +tant qu’on ne le ramène pas, on ne part pas+”.

Pendant qu’il parle, les poings se lèvent derrière lui. Signal devenu universel en deux jours dans cette mégapole de 20 millions d’habitants pour demander le silence et pouvoir ainsi, peut-être, capter les signes de vie.

Aux côtés des proches, des centaines de volontaires s’activent, masques pour se protéger de la poussière sur le visage, aidant au déblaiement ou distribuant de la nourriture aux familles et aux sauveteurs. Tout à coup, plusieurs d’entre eux passent d’un pas rapide en direction des décombres, munis de poutres et de planches.

La cadence s’accélère, des volontaires courent maintenant en direction des ruines. Mais peu après les voix rompent à nouveau le silence, les poings se baissent. Cruel signal pour les proches qui attendent toujours.

– ‘Triple agonie’ –

D’autant que le temps presse : le protocole veut qu’à partir de 72 heures, les recherches cessent et les bulldozers arrivent pour dégager les gravats. Déjà, des familles passent avec des affiches contre l’envoi des machines.

Et dur coup du sort, avec la tombée de la nuit des trombes d’eau se sont abattues sur le site, forçant la suspension des recherches… et une perte de temps précieux.

Pola Diaz, 53 ans, plaide pour une prolongation des recherches. Petite femme au regard vif sous son casque, elle fait partie des “topos”, ces sauveteurs qui ont découvert leur périlleuse vocation à l’époque du séisme de 1985, qui avait fait au moins 10.000 morts.

Son regard se voile quand elle rappelle qu’il ne reste plus que 24 heures avant que ne s’achève le fameux délai de trois jours.

“J’aimerais demander qu’on ne soit pas si strict (…) qu’on pense à ceux non seulement qui sont dedans mais aussi ceux qui sont dehors, vivant une double, ou triple agonie parce qu’un ou plusieurs de leurs proches ont disparu, ou sont enterrés”.

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