Home Pure Info A Saint-Martin, l’ouragan Irma s’est moqué des frontières

A Saint-Martin, l’ouragan Irma s’est moqué des frontières

0
A Saint-Martin, l’ouragan Irma s’est moqué des frontières

Une île, deux pays, un seul destin. L’ouragan Irma a réservé le même sort à la partie néerlandaise de Saint-Martin qu’à son pendant français: constructions ravagées, pillages polémiques, habitants parfois à fleur de peau, eau et nourriture rares… Bienvenue à “Sint Maarten”.

“Viens mon grand, y a plein de trucs ici! Ils ont même des lunettes de soleil”. Sur le front de mer dévasté de Philipsburg, le chef-lieu néerlandais de Saint-Martin, une Caribéenne se sert au rayon parfum du “duty free”. Le magasin, avec son rideau déchiré par les vents, a été largement dévalisé. Mais une semaine après le passage d’Irma, on y fait encore gratuitement ses emplettes, pour une bouteille de rhum ou une cartouche de cigarettes.

Comme à Marigot, la ville-préfecture française, les magasins du centre-ville restent rideaux baissés, après l’ouragan et les pillages des jours suivants. Et dans une allée de bijouteries, le “Beachcomber VII”, un chalutier d’une douzaine de mètres, stationne à terre.

Deux cents mètres plus loin, Deepak Uttamchandani traîne autour d’une église au toit troué, en quête de bouteilles d’eau, qui viennent d’être livrées par l’armée, ainsi que de vivres devant arriver.

Fusil à la main, des policiers du commissariat ordonnent d’être prévenus, pour sécuriser l’opération. Pendant ce temps, par une porte dérobée, une grand-mère chrétienne glisse deux bouteilles à Deepak.

“La radio a annoncé une distribution d’eau à Cole Bay hier, mais elle n’a dit ni quand, ni où exactement”, soupire Stephanie Rodriguez, 26 ans. Après Irma, cette Vénézuélienne a eu peur: “beaucoup de gens se baladaient avec leurs armes à feu et leurs machettes dans la rue”.

Plus loin sur la côte sud de l’île, des militaires néerlandais sont postés au rond-point de Bush Road. Ils surveillent l’entrée d’un des principaux supermarchés de l’île, le “Grand Marché” et ses rideaux cassés. Les civils peuvent circuler librement mercredi pour la première fois entre 8H00 et 15H00, après six jours d’état d’urgence, pendant lesquels le gouvernement local limitait les circulations sur la route.

– ‘90% foutu’ –

Le croisement mène au Dutch Quarter, avec nombre d’habitations en bois. “Ma maison a complètement disparu”, témoigne Vivekanand Sahleo, 54 ans.

Dans l’autre direction, on croise Jeoffrey Joseph, “businessman” de 57 ans, dont une trentaine sur l’île. Ce Trinidadien fait le tour de Saint-Martin dans son 4×4 aux vitres teintées, pour inspecter les 13 propriétés immobilières qu’il détient.

“Environ 90% sont foutues. Irma était un monstre, du jamais vu”, balance-t-il, entre deux coups de téléphone. Autre chose l’irrite: “les pillages étaient hors de contrôle. (…) L’armée a mis trop de temps à arriver et ils n’ont pas suffisamment réagi”.

Il s’arrête sur “sa marina”. Les bateaux gisent, coques retournées. Irma a poussé certains habitants à emménager dans un hangar. “Ils ont qu’à rester, qu’est-ce que tu veux que je fasse? Les foutre à la rue?”

Il rentre vers Pelican, quartier de blanches villas perchées sur une colline face à la mer turquoise. En contrebas, Simpson Bay et sa plage de sable fin, avec une pharmacie encore intacte, ses fenêtres murées par du bois lourd.

“Nous avons pris nos précautions”, sourit la gérante, Tamara Landino-Moskal. Mais depuis deux nuits, des malfaiteurs tentent de siphonner son groupe électrogène pour de l’essence. “Nous ne nous sentons pas protégés. J’ai supplié les autorités locales de nous envoyer un policier ou un militaire”, déplore vainement la pharmacienne hollando-polonaise.

La quinquagénaire a également vu des habitants voler canapés, meubles et télévisions. Fabrice Passera, qui habite non loin de l’aéroport néerlandais Juliana, a lui vu ses voisins “s’organiser en milice”.

“Concernant la sécurité, la situation s’est largement calmée”, tempère Gordon Snow, le rédacteur-en-chef du quotidien local, “The Daily Herald”. Selon lui, les 100 marines hollandais envoyés avant Irma sur l’île, en renforts de la caserne habituelle, n’ont pas été immédiatement efficaces: “Ils ont passé leur temps à rétablir l’aéroport et le port et ne pouvaient rien sécuriser. (…) Cet ouragan a été sous-estimé”.

Pourquoi les Néerlandais ne s’indignent-ils pas comme une part de l’opinion publique en France?

“Cette polémique n’est certainement pas injuste”, estime-t-il. “Nous aurions dû apprendre notre leçon, côté français comme néerlandais, après l’ouragan Luis”, dernier grand destructeur de Saint-Martin en 1995.

© 2017 AFP. Tous droits de reproduction et de représentation réservés. Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l’AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l’accord préalable écrit de l’AFP.