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A Stepanakert, le danger à retardement des sous-munitions non explosées

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A Stepanakert, le danger à retardement des sous-munitions non explosées

Les poules tournent autour du petit engin non explosé, planté au milieu du poulailler. A Stepanakert, capitale des indépendantistes arméniens du Nagorny Karabakh, les habitants retrouvent des sous-munitions provenant d’une roquette, arme interdite par une convention internationale.

Au deux tiers enfouie dans la terre, reconnaissable à ses ailettes en plastique noir qui émergent, la sous-munition cylindrique intacte d’une vingtaine de cm de long a été découverte par les propriétaires du jardin au poulailler, attenant à leur maison, après l’un des nombreux bombardements azerbaïdjanais qui a frappé la cité et ses environs la semaine passée.

“Ils ont dit +il y quelque chose dans le jardin, je ne sais pas ce que c’est+, alors je leur ai dit que je pouvais leur expliquer”, affirme à la presse Arayik Arakelyan, de l’ONG Halo Trust, présente à Stepanakert et qui sensibilise au danger de ces munitions les rares habitants encore présents dans la ville et cloîtrés dans des caves.

Selon Greg Polson, conseiller technique de l’ONG, cette sous-munition dénommée “9N235” est l’une des 72 pouvant être emportées par une “Smertch”. Ces roquettes de conception soviétique ont frappé à de multiples reprises la capitale séparatiste, pourtant loin du front, depuis le début des combats le 27 septembre entre Arméniens et Azerbaïdjanais, qui se disputent le Nagorny Karabakh.

Le conflit a fait plus de 620 morts, selon un bilan partiel qui pourrait être bien plus lourd, l’Azerbaïdjan ne communiquant pas les décès parmi ses troupes.

A proximité de la maison au poulailler, le long tube éventré et plié d’une Smertch est coincé sur le balcon d’un immeuble vidé de ses occupants.

– Danger pour les enfants –

Dans un rapport publié mercredi, le défenseur des droits humains du Karabakh, Artak Beglaryan, a dénoncé l’usage par l’Azerbaïdjan de ces roquettes avec sous-munitions, notamment sur Stepanakert, Choucha ou Hadrout.

Selon lui, “du 27 septembre au 10 octobre, le service d’état d’urgence de la République d’Artsakh (la dénomination arménienne du Haut Karabakh, NDLR) a trouvé plus de 180 sous-munitions uniquement à Stepanakert”.

De son côté, Bakou a toujours nié utiliser de telles armes, qui non explosées représentent un danger pour les civils des années après avoir été larguées.

Amnesty International avait indiqué le 5 octobre avoir “corroboré” des informations sur leur usage, dénoncé par des vidéos publiées par des sources arméniennes.

Les experts de l’ONG “ont pu localiser les zones résidentielles de Stepanakert où ont été tournées ces images, et identifié des bombes à sous-munitions” d’un autre type, des “M095 DPICM de fabrication israélienne, qui semblent avoir été tirées par les forces azerbaïdjanaises”, selon le communiqué d’Amnesty.

Israël est un des grands fournisseurs d’armes à l’Azerbaïdjan.

“L’utilisation de bombes à sous-munitions est interdite en toutes circonstances par la loi humanitaire internationale”, selon une Convention conclue à Dublin le 30 mai 2008, a rappelé Denis Krivosheev, directeur pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale à Amnesty.

L’ONG estime qu'”entre 5 et 20% des bombes à sous-munitions n’explosent pas. Elles sont alors laissées sur place, ce qui représente pour les civils une menace similaire à celle des mines terrestres antipersonnel”.

A ce jour, un total de 123 Etats ont rejoint la Convention de Dublin sur les armes à sous-munitions. L’Arménie et l’Azerbaïdjan n’en font pas partie.

Devant le petit engin à ailettes planté dans le poulailler, Koen van der West, de l’ONG Halo Trust, explique qu'”en ce moment la moitié des habitants (du Nagorny Karabakh) sont partis de la région. Le plus grand risque sera quand les gens reviendront dans leurs maisons, dans leurs jardins, sur leurs balcons, et trouveront ce genre de choses. Ils pourront être blessés, même quand les bombardements auront cessé”.

“Beaucoup sont très attirantes pour les enfants, ajoute Greg Polson, car elles ressemblent presque à des jouets, certaines ont des rubans roses attachés. Quand ils les trouvent, les enfants peuvent tirer (sur le ruban), jouer avec, les lancer, c’est un vrai risque”.

“Celle-là ressemble à un volant de badminton, ce qui en fait un danger pour les enfants”, dit-il en montrant l’engin au milieu des poules agitées.

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