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Afghanistan: terreur sur la presse

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Afghanistan: terreur sur la presse

Qu’ils soient ciblés directement, par les talibans ou l’EI, ou victimes collatérales d’un attentat, parce que présents sur les lieux des attentats, les journalistes paient un tribut de plus en plus lourd à l’exercice de leur métier en Afghanistan.

Au lendemain de la double explosion qui a causé la mort, dans le centre de Kaboul de 25 personnes, dont neuf journalistes parmi lesquels le chef photographe de l’AFP Shah Marai, il n’est pas sûr, comme certaines sources l’ont rapidement avancé, que les reporters aient été visés explicitement.

“Je pense qu’ils ont représenté une cible d’opportunité”, confie à l’AFP, sous le sceau de l’anonymat, une source de sécurité occidentale. “Le deuxième kamikaze, qui s’est fait sauter trente minutes après, visait sans doute, comme de coutume, les premiers intervenants, secouristes, policiers, et quand il a vu ce groupe de journalistes, il s’est glissé parmi eux pour faire un maximum de victimes”.

La première explosion a eu lieu devant un check-point près du siège des services de renseignement afghans, le NDS, régulièrement pris pour cible par les insurgés talibans ou des membres du groupe État islamique.

Le but du deuxième terroriste était peut-être de s’attaquer à des membres du NDS qui, voyant des victimes sous leurs fenêtres, se seraient comme d’ordinaire spontanément portés à leur secours, estime la même source. Face à cette tactique régulièrement employée, il n’existe guère de parade, estime ce responsable.

Une source sécuritaire à Kaboul, qui elle non plus plus ne souhaite pas être identifiée, estime également que le groupe de reporters occupé à filmer et photographier, tenu à l’écart par un cordon de sécurité, a représenté “une cible purement opportuniste”.

Elle confirme en revanche que le kamikaze était bien lui-même déguisé en reporter, appareil photo à l’épaule ce “qui semble devenir une vraie tendance parmi les agresseurs”.

“Il y a quelques mois, un homme a été arrêté à Kandahar, il entraînait les kamikazes à conduire des attentats-suicide, déguisés en reporter”, assure-t-il.

Ce sont deux membres d’Al Qaïda équipés d’une caméra piégée, se faisant passer pour des journalistes venus l’interviewer, qui ont tué le 9 septembre 2001 le chef de guerre anti-taliban Ahmed Shah Massoud.

– Moto et kalachnikov –

En plus de leur présence, parfois trop rapide, sur les lieux des nombreux attentats qui rythment la vie des Afghans, à Kaboul et dans les provinces, les journalistes ont été, au cours des derniers mois, de plus en plus visés par les talibans ou l’EI, qui veulent se venger de couvertures médiatiques leur déplaisant ou tentent de terroriser les journalistes pour les influencer.

Lundi, quelques heures après l’attentat de Kaboul, un journaliste afghan de la BBC était victime de tueurs qui le visaient directement dans la ville de Khost (Sud-Est). L’assassinat n’a pas été revendiqué.

Le 25 avril, le reporter Abdul Manan Arghand a été abattu d’une rafale de kalachnikov par le passager d’une moto alors qu’il conduisait sa voiture, dans une rue de Kandahar. Journaliste pour la chaîne de télévision indépendante Kabul News TV, il avait été pendant un an menacé par des interlocuteurs anonymes qui lui reprochaient sa façon de rapporter la situation dans sa zone.

Les bureaux de chaînes de télés et de radios, protégés par des gardes armés mais qui ne suffisent pas à dissuader les assaillants, sont de plus en plus souvent directement attaqués.

Ce fut le cas en mai 2017 à Jalalabad, contre les locaux de la Radio télévision Afghane (RTA, deux morts). En novembre de la même année, un commando d’hommes armés déguisés en policiers a tenté de prendre d’assaut le siège de la chaîne de télévision Shamshad TV, en plein c?ur de Kaboul, tuant une personne.

Selon l’Afghan journalist’s safety committee, l’année 2017 a été la plus meurtrière de l’histoire pour les reporters afghans, dont vingt ont été tués et près de 170 victimes d’actes de violence, d’intimidation ou de menaces.

Dans son rapport 2017, Reporters sans frontières (RSF) classe l’Afghanistan au troisième rang mondial parmi les pays les plus dangereux pour les journalistes, juste derrière la Syrie et le Mexique.

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