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Algérie: le pouvoir cherche à convaincre à la veille d’un vendredi test

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Algérie: le pouvoir cherche à convaincre à la veille d’un vendredi test

Le pouvoir en Algérie tente, avec difficulté, de convaincre la rue du bien-fondé de la prolongation sine die du mandat du président Abdelaziz Bouteflika et de son plan de réformes, à la veille d’un vendredi décisif pour le mouvement de contestation populaire.

Le pays est le théâtre depuis le 22 février de manifestations contre le président Bouteflika, d’une ampleur inédite depuis son arrivée au pouvoir il y a 20 ans, déclenchées par sa décision de briguer un 5e mandat malgré une santé défaillante.

Sous la pression croissante de la rue, le chef de l’Etat a renoncé lundi à se présenter et reporté la présidentielle prévue le 18 avril, prolongeant de fait son mandat actuel jusqu’à la fin d’une prochaine “Conférence nationale” chargée de réformer le pays et d’élaborer une nouvelle Constitution.

Jeudi, face à la presse, le nouveau Premier ministre Noureddine Bedoui -qui a remplacé lundi le très impopulaire Ahmed Ouyahia- et son vice-Premier ministre Ramtane Lamamra ont tenté durant 90 minutes de promouvoir les décisions du chef de l’Etat, qui n’ont pas calmé la colère ces derniers jours.

– “Entendu le message” –

“Nous avons entendu le message de la jeunesse algérienne” et “les revendications de la rue” fixeront le cap du futur gouvernement, a assuré M. Bedoui.

Sa composition sera dévoilée “au plus tard la semaine prochaine” et il s’agira d’une équipe de “technocrates”, puisant dans les “jeunes compétences, hommes et femmes”, dont dispose l’Algérie, a-t-il précisé.

“La situation générale du pays est sensible et marquée parfois par des tensions ne permettant pas de parvenir à un consensus à même de répondre aux revendications” immédiatement, a argué M. Bedoui en ouvrant la conférence de presse.

“Il faut sortir de cette crise de manière calme et en veillant à la stabilité du pays”, a-t-il poursuivi, en appelant à plusieurs reprises au “dialogue”.

M. Bedoui, préfet de carrière jusqu’ici ministre de l’Intérieur –que le quotidien El Watan qualifiait il y a quelques mois de “ministre de la Répression”–, est souvent apparu à la peine pour répondre concrètement aux questions des journalistes.

Il a justifié par la “volonté du peuple” le report de la présidentielle et l’extension par le chef de l’Etat de son mandat -des décisions jugées illégales voire inconstitutionnelles par de nombreux observateurs. “Il n’y a rien au-dessus de la volonté du peuple”, a-t-il argué.

Il n’a pas donné de date pour la future présidentielle à l’issue de laquelle le président Bouteflika s’est engagé à se retirer.

Il a simplement indiqué que le mandat du gouvernement, qui n’aura qu’un rôle “de soutien et d’appui” de la Conférence nationale, “ne dépassera pas une année”, laissant entendre que la Conférence elle-même pourrait avoir fini ses travaux en un an, ce dont doutent de nombreux observateurs.

MM. Bedoui et Lamamra ont au final peiné à convaincre. “A quoi sert cette conférence de presse?”, leur a demandé un journaliste: “vos réponses ont jusqu’ici été hors sujet, vous ne donnez pas l’impression de vouloir répondre aux questions (…) du peuple”.

– “Profond décalage” –

Les réactions ont également paru négatives sur les réseaux sociaux, où se multiplient les appels pour un 4e vendredi consécutif de grandes manifestations à travers le pays.

Cette journée-test, pour les contestataires comme pour le pouvoir, permettra de savoir si M. Bouteflika a réussi à apaiser la contestation qu’étudiants et universitaires, puis enseignants et lycéens, ont maintenu vivace en défilant en nombre mardi et mercredi.

Mercredi, déjà, M. Lamamra, un diplomate chevronné et apprécié, chargé de “vendre” le “plan de travail” présidentiel à l’étranger selon les observateurs, avait vanté sur les ondes de la radio nationale les mérites des annonces du chef de l’Etat.

Pour le président Bouteflika, “il ne s’agit pas de rester au pouvoir pendant quelques semaines ou quelques mois de plus”, a-t-il assuré, “la priorité absolue est de réunir les Algériens et de leur permettre d’aller ensemble vers un avenir meilleur”.

Un autre ancien diplomate, Lakhdar Brahimi, 85 ans, réputé proche de M. Bouteflika, a défendu aussi mercredi, à la télévision nationale, les solutions proposées par le chef de l’Etat, prônant le “dialogue” et mettant en garde contre tout “changement radical”.

Mais, selon le quotidien Liberté, ces “interventions médiatiques ont eu le mérite de confirmer le profond décalage entre les solutions (…) proposées par le régime et celles défendues par le peuple”.

Dans ce contexte, le traditionnel derby entre le Mouloudia et l’USM d’Alger –clubs rivaux de Bab el Oued, quartier populaire d’Alger–, a été avancé d’un jour, à jeudi après-midi (à partir de 16H00 GMT), pour ne pas coïncider avec les manifestations de vendredi.

Les stades en Algérie sont un des creusets de la contestation actuelle.