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Allemagne: le meurtre d’un élu pro-migrants devant les juges

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Allemagne: le meurtre d’un élu pro-migrants devant les juges

Le procès sous haute sécurité d’un sympathisant néonazi, tueur présumé d’un élu favorable à l’accueil des migrants, s’est ouvert mardi à Francfort alors que ce meurtre avait réveillé le spectre du terrorisme d’extrême droite en Allemagne.

L’audience entamée vers 10h00 locales (08h00 GMT) a suscité un vif intérêt du public et des médias qui se pressaient nombreux devant la Haute Cour régionale de Francfort.

C’est en effet la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale qu’une affaire de ce type est jugée en Allemagne.

Durant la nuit du 2 juin 2019, Walter Lübcke, élu du parti conservateur CDU d’Angela Merkel, fume une cigarette sur la terrasse de sa maison à Cassel en Hesse, lorsqu’il est tué d’une balle dans la tête tirée quasi à bout portant.

Après deux semaines d’enquête, un suspect, Stephan Ernst, 46 ans, proche de la mouvance néonazie, est interpellé et avoue le crime, avant de se rétracter et d’accuser un complice présumé. Sans convaincre les enquêteurs.

Le parquet fédéral allemand, chargé des affaires les plus sensibles, l’accuse de “meurtre aggravé” et “tentative de meurtre aggravé”. Il encourt la réclusion à perpétuité.

L’épouse et les deux fils de la victime, qui se sont portés parties civiles, ont tenu à assister au procès afin “d’envoyer un signal clair contre la haine et la violence”, a expliqué le porte-parole de la famille, Dirk Metz, avant l’ouverture du procès.

Leur avocat Holger Matt, s’est dit convaincu qu’il s’agissait d'”un meurtre planifié de sang froid, lâche et perfide, aux motivations les plus basses”.

– ‘Haine xénophobe’ –

Ernst n’est pas seul dans le box des accusés. Son complice présumé, présenté comme Markus H., est accusé de l’avoir entraîné au tir en forêt, “y compris avec l’arme utilisée” pour le meurtre, sans pour autant être “au courant des plans réels de l’attentat”.

Les deux suspects ont également, selon les enquêteurs, assisté ensemble à une réunion publique au cours de laquelle Walter Lübcke avait apporté son soutien à la politique généreuse d’accueil des migrants décidée en 2015 par la chancelière Angela Merkel.

M. Lübcke était allé, lors de cette intervention qui a ulcéré la mouvance d’extrême droite, jusqu’à inviter les opposants à l’arrivée de réfugiés à quitter l’Allemagne.

A partir de cette réunion, Stephan Ernst, accusé aussi d’une tentative de meurtre à l’arme blanche en 2016 d’un demandeur d’asile irakien, a de plus en plus projeté sur Walter Lübcke sa haine xénophobe, estime le parquet.

Des investigations sur son matériel informatique ont aussi révélé, selon plusieurs médias, qu’il avait d’autres cibles potentielles en vue: des élus et une synagogue.

L’accusé devrait au moins dans un premier temps garder le silence à l’audience selon son avocat. Il est connu des autorités de longue date comme un sympathisant néonazi au potentiel violent.

Dès 1993, il est ainsi suspecté d’avoir planifié un attentat à la bombe contre un foyer de demandeurs d’asile.

Malgré ce passé chargé, les services de renseignements avaient cessé ces dernières années de le surveiller.

L’enquête a révélé une autre erreur de la police, déjà souvent accusée dans le passé de complaisance à l’égard des néonazis: elle n’a pas signalé à l’autorité délivrant des permis de port d’armes que le complice présumé était un membre toujours actif de l’ultra-droite. Cela lui a permis de se procurer pistolets et fusils.

– Menace –

Sous-estimée dans les années 2000 par les autorités malgré les meurtres de huit immigrés turcs, d’un Grec et d’une policière allemande par un groupuscule néonazi, la menace du terrorisme d’extrême droite est perçue aujourd’hui comme un défi crucial pour la sécurité intérieure.

En octobre 2019, un sympathisant d’extrême droite avait failli commettre un massacre le jour de Yom Kippour, dans une synagogue de Halle dans l’est du pays. Il a finalement retourné son arme sur une passante et tué un homme dans un snack de kébabs.

En février, un homme a tué neuf personnes d’origine étrangère dans deux bars de Hanau, près de Francfort, puis s’est suicidé.

Des groupes soupçonnés de préparer des attaques xénophobes ou antisémites sont régulièrement démantelés.

Les élus sont au premier rang des cibles potentielles. Karamba Diaby, seul député noir du Bundestag, a reçu plusieurs menaces de mort.

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