“L’accusée est en fuite (…) Un mandat d’arrêt a été émis”, a sobrement annoncé le président de la Cour près de vingt minutes après l’ouverture prévue de la première audience ce jeudi à Itzehoe, dans le nord de l’Allemagne.
Irmgard Furchner “a quitté son foyer (pour personnes âgées) ce matin. Elle a pris un taxi” pour rejoindre une station de métro de la périphérie d’Hambourg, a précisé une porte-parole du tribunal d’Itzehoe, Frederike Milhoffer.
“Nous sommes à sa recherche et nous ne savons pas où elle est”, a confirmé une porte-parole de la police d’Itzehoe à la mi-journée.
Son avocat, Wolf Molkentin, était présent dans le prétoire mais il n’a fait aucune déclaration aux journalistes.
En milieu de journée, le tribunal n’était pas en mesure de dire si le procès pourrait commencer dans la journée.
Cette fuite, qui selon Der Spiegel avait été annoncée par l’accusée dans une lettre adressée au président de la Cour, Dominik Gross, a suscité la consternation, notamment du président du Centre Simon-Wiesenthal qui traque les nazis encore en vie.
“Suffisamment en bonne santé pour fuir, suffisamment en bonne santé pour aller en prison !”, a twitté Efraim Zuroff.
– Zone d’entrepôts –
En raison de la présence prévue de plus de 130 journalistes ainsi que de nombreuses parties civiles, le tribunal d’instance d’Itzehoe a été déplacé dans un bâtiment d’une zone d’entrepôts à l’extérieur de la ville.
Seule femme impliquée dans le nazisme à être jugée depuis des décennies en Allemagne, Irmgard Furchner ne s’est pas exprimée sur les faits qui lui sont reprochés avant l’ouverture du procès.
Jamais encore l’Allemagne, qui a longtemps montré peu d’empressement à retrouver ses criminels de guerre, n’avait jugé d’anciens nazis aussi âgés.
Agée au moment des faits de 18 à 19 ans, Irmgard Furchner, qui vit dans une résidence pour personnes âgées près de Hambourg, doit être jugée par une Cour spéciale pour jeunes pour “complicité de meurtre dans plus de 10.000 cas”, selon le Parquet.
– Détenus –
L’accusation lui reproche d’avoir participé au meurtre de détenus dans le camp de concentration de Stutthof, dans la Pologne actuelle, où elle travaillait en tant que dactylographe et secrétaire du commandant du camp, Paul Werner Hoppe, entre juin 1943 et avril 1945.
Dans ce camp proche de la ville de Gdansk (Dantzig à l’époque) où périrent 65.000 personnes, “des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques” ont été systématiquement assassinés, a rappelé le Parquet.
A l’issue d’une longue procédure, la justice avait estimé en février que la nonagénaire était apte à comparaître malgré son grand âge.
Les auditions, prévues pour s’étaler jusqu’en juin 2022, devraient se limiter à quelques heures par journée d’audience.
Soixante-seize ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la justice allemande continue de rechercher d’anciens criminels nazis encore en vie.
Huit dossiers impliquant d’ex-employés des camps de Buchenwald et de Ravensbrück notamment, sont actuellement examinés par différents parquets allemands, a dit à l’AFP l’Office central pour l’élucidation des crimes du national-socialisme.
Quelque 4.000 femmes ont officié comme gardienne dans les camps de concentration, d’après des historiens.
La jurisprudence de la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, un gardien du camp de Sobibor en 1943, à cinq ans de prison ferme, permet désormais de poursuivre pour complicité de dizaines de milliers d’assassinats n’importe quel auxiliaire d’un camp de concentration, du garde au comptable.