Home Pure Info Antony Blinken, un secrétaire d’Etat francophone et francophile à Paris

Antony Blinken, un secrétaire d’Etat francophone et francophile à Paris

0
Antony Blinken, un secrétaire d’Etat francophone et francophile à Paris
placeholder

L’atlantisme d’Antony Blinken n’est pas le fruit du hasard: francophone et francophile, le secrétaire d’Etat américain a passé son adolescence à Paris, où il est attendu en ami — même si cela ne se traduira pas forcément dans la politique étrangère des Etats-Unis.

Sa nomination par le président Joe Biden avait été saluée en novembre côté français comme une “bonne nouvelle” et “un avantage pour la France”.

A la veille de la première visite en France d’Antony Blinken, qui doit rencontrer vendredi le président Emmanuel Macron et le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, l’entourage de ce dernier souligne les “liens personnels” entre les deux ministres, qui se connaissent depuis 2012 et se tutoient.

“Ils se parlent en français”, “cela facilite les relations”, explique-t-on de même source, sans cacher que le Français “avait du mal” avec Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat de Donald Trump.

De fait, ce déplacement aura une forte portée symbolique.

L’homme chargé par Joe Biden de recoudre les alliances transatlantiques, distendues par quatre années d’unilatéralisme trumpiste, a grandi en partie dans la capitale française.

– Bac français –

Antony Blinken, aujourd’hui âgé de 59 ans, est arrivé enfant en France, où il a passé toute la décennie 1970 avec sa mère, remariée à l’avocat Samuel Pisar, l’un des plus jeunes rescapés de la Shoah, qui a survécu aux camps de concentration avant de parvenir à s’enfuir.

placeholder

Avec cet avocat natif de Pologne qui fréquente les hautes sphères artistiques et politiques parisiennes, Antony Blinken vit dans les beaux quartiers et va à l’Ecole Jeannine Manuel, prestigieux établissement privé bilingue, jusqu’à obtenir son baccalauréat français.

Alors que l’armée américaine s’embourbe dans la guerre du Vietnam, “Tony”, bien que “très attaché à ses valeurs et à son identité”, voit alors aussi “le monde à travers le prisme” de son pays d’accueil, “à une époque où les Etats-Unis n’étaient pas forcément très populaires”, témoignait récemment auprès de l’AFP son ami d’enfance Robert Malley, autre ancien “parisien” aujourd’hui émissaire de Washington pour l’Iran.

Mais ce “prisme” n’imprègne pas tant que cela la diplomatie américaine.

Depuis Berlin, Antony Blinken a ainsi martelé mercredi que les Etats-Unis n’avaient pas “de meilleur ami dans le monde que l’Allemagne”.

Une déclaration qui “n’est pas anodine”, estime Benjamin Haddad, chercheur français au cercle de réflexion Atlantic Council à Washington.

“C’est certes un message symbolique, une volonté de tourner la page des années Trump” lorsque l’Allemagne a été particulièrement malmenée par le milliardaire républicain, “mais ça montre aussi que cette équipe a au fond une vision très traditionnelle de l’Europe et de la relation transatlantique”, dit-il à l’AFP.

– “Tropisme” allemand? –

Selon lui, “on verra Blinken faire des déclarations en français, il y aura une dimension symbolique assez forte” mais cela “ne se traduira pas vraiment par un alignement sur la vision française de l’Europe, c’est-à-dire l’autonomie stratégique, la souveraineté européenne, une relation transatlantique un peu plus équilibrée avec des Européens qui prennent plus de responsabilités”.

placeholder

Les propos prononcés à Berlin semblent en tout cas donner raison à ce diplomate français de haut rang qui s’inquiétait, dès les débuts de l’administration Biden, de voir ressurgir, “par-delà la francophilie d’un Blinken”, ce “tropisme plutôt vers l’Allemagne” qui a caractérisé l’atlantisme américain depuis l’après-Guerre. La chancelière allemande Angela Merkel sera accueillie par Joe Biden le 15 juillet à la Maison Blanche, première des dirigeants européens à recevoir une telle invitation.

D’autant qu’au-delà des effusions qui ont scandé mi-juin le voyage en Europe de Joe Biden et le “retour” de l’Amérique sur la scène internationale, on s’agace quelque peu, à l’Elysée et au Quai d’Orsay, de voir le président américain revendiquer le rôle de “leader du monde libre” alors que les Européens estiment avoir sauvé le multilatéralisme quand la Maison Blanche l’avait déserté.

“L’Europe n’est plus la même” car elle a, durant l’ère Trump, “essayé de tenir les murs”, de l’accord sur le climat à celui sur le nucléaire iranien, martèle Jean-Yves Le Drian.

La France craint que le naturel ne revienne au galop et que les Européens ne s’en remettent une nouvelle fois aux Etats-Unis pour leur sécurité à la faveur de l’embellie transatlantique actuelle.

Si les points de convergence sont nombreux et la relation bilatérale bonne, notamment sur les questions de sécurité, Emmanuel Macron ne cache pas non plus ses réserves face à la confrontation voulue par son homologue américain avec Pékin, et son insistance pour utiliser l’Otan dans ce bras de fer.

“La Chine ne fait pas partie de la géographie atlantique, ou alors ma carte a un problème”, assène-t-il.