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Après Moody’s et le bras de fer avec Bruxelles, Rome attend le verdict de S&P

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Après Moody’s et le bras de fer avec Bruxelles, Rome attend le verdict de S&P

Alors qu’elle est déjà engagée dans un bras de fer avec Bruxelles au sujet de son budget, l’Italie attend vendredi soir le verdict de l’agence Standard & Poor’s, qui pourrait abaisser sa perspective, voire sa notation, comme l’a déjà fait Moody’s.

La coalition au pouvoir à Rome, composée de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste), a fait le choix d’un budget anti-austérité, prévoyant un déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% promis par le précédent gouvernement de centre gauche.

Bruxelles a rejeté mardi ce projet de budget, fustigeant “une déviation claire, nette, assumée et, par certains revendiquée” par rapport aux règles européennes.

Les observateurs sont partagés sur ce que pourrait décider S&P: certains comme Erik Nielsen, chef économiste à UniCredit, tablent sur une baisse de perspective avec un maintien de la note BBB, tandis que d’autres, à l’image de Matthieu Grouès, responsable de la stratégie chez Lazard Frères Gestion, estiment que S&P fera comme Moody’s.

Selon eux, le marché a de toutes façons déjà largement anticipé l’une ou l’autre hypothèse.

Le 19 octobre, Moody’s, inquiète des choix budgétaires de Rome, a dégradé d’un cran la note de sa dette souveraine, la faisant passer de Baa2 à Baa3.

– A un cran des “junk bonds” –

Elle a ainsi renvoyé l’Italie au dernier niveau de la catégorie investissement –émetteurs de qualité moyenne mais en mesure de faire face à leurs obligations–, soit juste avant la catégorie spéculative (junk bonds).

Moody’s a assorti sa note d’une perspective stable, signifiant qu’elle ne devrait pas la dégrader de nouveau dans les mois à venir. Une décision interprétée avec soulagement par les marchés.

Dans la foulée, l’agence a revu la note de 12 banques et institutions financières italiennes et de six groupes, comme Eni.

“En proposant un budget largement financé par le déficit, le pays a déclenché un conflit à la fois avec la Commission européenne et les marchés”, ont souligné les analystes de Fidelity International, Andrea Iannelli et Alberto Chiandetti.

Depuis mi-mai, date du début des négociations pour la formation de la coalition, la Bourse de Milan a perdu quelque 22%, et le spread, le très surveillé écart entre les taux d’emprunt italien et allemand, a plus que doublé, passant de 150 à 309 jeudi soir.

Le secteur bancaire, qui compte dans son portefeuille 372 milliards d’euros de dette souveraine italienne, selon la Banque centrale, a été le plus affecté, dévissant de 36%.

Les marchés et la Commission européenne s’inquiètent du budget italien parce que le pays ploie déjà sous une dette colossale: 2.300 milliards d’euros, soit 131% de son PIB alors que le plafond européen est fixé à 60%.

Rome a jusqu’au 13 novembre pour présenter à Bruxelles un budget révisé. Elle s’expose sinon à une “procédure pour déficit excessif”, susceptible d’aboutir à des sanctions financières.

– “Solution commune” –

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, s’est déclaré “confiant” jeudi sur la possibilité d’un accord.

Bruxelles refuse un choc frontal. “Il est très important que le dialogue continue (…) et je ne suis pas celui qui interrompra ce dialogue”, a déclaré mercredi à l’AFP le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.

“Il faut que l’on trouve une solution commune parce que l’Italie est un pays au c?ur de la zone euro” et “je ne vois pas l’Italie sans l’Europe”, a-t-il martelé.

Mais les deux leaders des partis de la coalition, Matteo Salvini (Ligue) et Luigi Di Maio (M5S), n’entendent pas céder d’un pouce.

“Les petites lettres de Bruxelles, nous les ouvrons, parce que nous sommes bien élevés, nous les lisons, nous y répondons, mais nous ne changeons pas une virgule dans la loi de finances”, a affirmé M. Salvini.

“L’économie italienne est saine” et ce budget “la rendra encore plus forte et créera des emplois”, a-t-il martelé.

Il s’est même dit prêt à soutenir les banques et entreprises en difficulté si le spread restait à un niveau élevé, après que le ministre de l’Economie, Giovanni Tria, un modéré, eut exprimé son inquiétude.