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Au Mexique, le voyage des secouristes au bout de la nuit

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Au Mexique, le voyage des secouristes au bout de la nuit

Le corps d’une vieille femme gît sans vie sur son lit cerné d’icônes. Elle vient de succomber au COVID-19. Mais l’infirmier qui vient de constater le décès n’est pas encore au bout de sa nuit.

Dans la maisonnette de Nezahualcóyotl, une banlieue pauvre de Mexico, un des enfants de la défunte tire Lino par sa blouse blanche vers une autre pièce où est couché le père fiévreux, essoufflé, incapable de se mouvoir.

L’infirmier, visage masqué et mains gantées, conseille à la famille de le faire transporter à l’hôpital le plus proche où il bénéficiera d’un respirateur. Lino ne peut faire plus car l’homme, tout comme sa femme, souffre aussi de diabète, un fléau au Mexique.

Grâce à ses 35 ans d’expérience, Lino Zuñiga, 52 ans, ne s’est à aucun moment départi de son calme. Depuis qu’il est enfant, il affirme vouloir aider les autres.

“J’ai tout fait, de maître-nageur à secouriste, ambulancier paramédical, conducteur d’ambulance, et tout ça pour accompagner les gens dans les moments les plus critiques”, confie-t-il à l’AFP.

La nuit est tombée depuis longtemps sur la ville de 1,2 million d’habitants. Lino Zuñiga et Hugo Cruz, 40 ans, qui l’accompagne, sont loin d’avoir fini leur tournée.

C’est aussi le cas d’Emma Velázquez, 42 ans, et Jorge Sholndick, 29 ans, qui arrivent à minuit toutes sirènes hurlantes devant l’entrée d’une maison délabrée, dans une ruelle sombre de Nezahualcoyotl.

La personne qui les a appelés à l’aide, est une vieille femme, diabétique elle aussi, qui se sent défaillir. Elle est en larmes. Jorge se presse de prendre son pouls et confirme que la tension est très instable.

Il faut la transférer en urgence à l’hôpital. Mais elle refuse car elle est seule avec ses deux petits-enfants, trop petits pour rester seuls.

La mère travaille la nuit dans une entreprise de sécurité privée. Il n’y a plus rien à faire pour sauver la grand-mère.

Jorge se dirige vers l’ambulance, où Emma l’attend, le regard interrogateur. “Elle va mourir”, murmure-t-il, résigné.

Plus loin, dans la ville, c’est au tour de Mydori Carmona, 38 ans, et Sergio Villafan, 24 ans, de répondre à un appel au secours.

Un drogué a frappé sa mère avec brutalité puis a tenté de se suicider en se poignardant à la poitrine.

Les deux doivent être évacués en ambulance, mais les voisins ne l’entendent pas ainsi. Une dizaine d’entre eux sont prêts à en découdre avec l’agresseur.

“Espèce de moins que rien ! Ici, on ne se comporte pas comme ça”, lance un homme en colère.

Avec l’aide de la police, l’évacuation peut avoir lieu.

“La pandémie devrait être une excellente occasion de valoriser les moments en famille. Dommage que cela ne soit pas le cas !”, déplore Mydori.

Le confinement de la population au Mexique a suscité une multiplication des violences domestiques dans tout le pays. Quelque 16.057 cas ont été enregistrés pour le seul mois de mai sur les 85.445 déjà signalés cette année, selon les chiffres du gouvernement.

Au Mexique, près de 29.000 personnes sont mortes du COVID-19 et plus de 231.000 autres ont été reconnues contaminées, selon le bilan officiel.

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