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Au Pérou, l’encombrant “Christ de la corruption”

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Au Pérou, l’encombrant “Christ de la corruption”

Il surplombe la capitale et était censé “bénir le Pérou”. Au lieu de ça, le Christ géant de Lima, financé par Odebrecht, le groupe de BTP brésilien au coeur d’un scandale, est devenu un “symbole de corruption” et beaucoup demandent son retrait.

La statue de 37 m de haut, un “rêve personnel” du président de l’époque Alan Garcia (2006-2011), trône depuis 2011 au sommet d’une colline en terre surplombant la baie qui borde la capitale péruvienne.

Malgré la vue imprenable sur le Pacifique et la ville, les touristes ne s’y pressent guère, contrairement au Christ du Corcovado de Rio, visité par des millions de personnes chaque année. Le site péruvien, trop excentré, poussiéreux et insuffisamment aménagé, semble lui quasiment à l’abandon.

“C’est un Christ similaire à celui du Corcovado que j’ai baptisé Christ du Pacifique. J’ai réuni un groupe d’amis et d’entreprises (pour financer sa construction) et j’y ai aussi mis mes économies car je voudrais que ce soit une figure qui bénisse le Pérou”, avait alors déclaré Alan Garcia.

Fait de béton et de plastique, le monument avait coûté 800.000 dollars, principalement financés par Odebrecht. L’ancien chef de l’Etat avait mis 30.000 dollars de sa poche.

Lors de son inauguration le 29 juin 2011, un mois avant le terme du mandat d’Alan Garcia, le groupe brésilien du bâtiment s’apprêtait à inaugurer la ligne 1 du métro de Lima. On sait désormais qu’Odebrecht a distribué 7 millions de dollars de pots-de-vin pour obtenir la concession, selon les confessions de l’entreprise elle-même.

Le géant brésilien du BTP, a distribué pendant plus d’une décennie un total de 788 millions de dollars dans une dizaine de pays latinoaméricains pour remporter des contrats, selon le ministère américain de la Justice (DoJ). Au Pérou, l’entreprise a reconnu avoir versé 29 millions de dollars de pots-de-vin au Pérou entre 2005 et 2014.

Ces dernières années, le nom d’Odebrecht est devenu synonyme de corruption au Pérou et le dossier éclabousse les quatre derniers présidents.

– “Pas d’argent” –

Alan Garcia (1985-1990 et 2006-2011), s’est suicidé d’une balle dans la tête le 17 avril au moment où la police venait l’arrêter à son domicile.

Ollanta Humala (2011-2016) et son épouse Nadine Heredia ont été inculpés en mai par la justice péruvienne pour blanchiment d’argent présumé, tandis que Pedro Pablo Kuczynski (2016-2018) a été placé en résidence surveillée pour une durée de 36 mois, pendant que l’enquête sur lui se poursuit.

Quant à Alejandro Toledo (2001-2006), il a été arrêté mardi aux Etats-Unis, où il réside, en vue d’une extradition.

Il y a quelque semaines, une ONG a lancé une campagne pour demander le retrait de l’encombrante statue de Lima.

“Nous demandons le retrait du Christ du Pacifique, appelé +Christ du vol ou Christ d’Odebrecht+, car c’est un symbole de la corruption, qui a été donné par Marcelo Odebrecht” à Alan Garcia, déclare à l’AFP Cristhian Rojas, responsable du collectif “Es Momento” (C’est le moment), à propos de l’ancien patron du géant du BTP.

“C’est impossible que (ce monument) continue de faire partie de l’espace public de cette ville”, ajoute-t-il.

L’ONG a envoyé au gouvernement une pétition allant en ce sens signée par quelque 4.700 personnes.

Sans se prononcer sur le fond du dossier, le gouvernement de Martin Vizcarra, l’actuel président, a répondu qu’il n’avait “pas d’argent suffisant pour faire face aux frais de démontage et de transport du monument”.

De son côté, l’Eglise péruvienne préfère garder le silence sur la demande de l’ONG.

“C’est un sujet délicat”, explique à l’AFP une source de la Conférence épiscopale locale.