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Au procès Benalla, les deux “observateurs” du 1er mai 2018

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Au procès Benalla, les deux “observateurs” du 1er mai 2018
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Que faisait Alexandre Benalla sur la manifestation du 1er mai 2018 ? Le tribunal s’est penché mercredi à Paris sur le statut “d’observateur” du chargé de mission de l’Elysée et de son acolyte Vincent Crase, notamment jugés pour avoir commis ce jour-là des violences.

“Je te propose de participer sur le terrain au service avec une des unités d’intervention en tant qu’observateur, si ton emploi du temps le permet”. Le SMS, projeté sur l’écran de la salle d’audience, a été envoyé le 28 mars 2018.

Son expéditeur, Laurent Simonin, est à la barre. L’homme de grande taille, crâne rasé et voix grave, était alors membre de l’Etat-major de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), à la préfecture de police de Paris.

A l’époque, il tutoyait Alexandre Benalla, confirme-t-il, travaillant régulièrement avec lui sur l’organisation de déplacements du chef de l’Etat.

C’est après un voyage mouvementé d’Emmanuel Macron en Guyane que le jeune collaborateur de l’Elysée lui fait part de son envie d’assister à une “manifestation qui bouge”.

Les deux hommes en discutent pendant plusieurs mois avant que M. Simonin ne propose le 1er mai, manifestation lors de laquelle un “black block” conséquent était attendu.

En 2018, “il n’y a pas de règle écrite”, concernant les “observateurs”, résume M. Simonin. “Chaque tuteur voit un peu midi à sa porte”, confirmera le commissaire Maxence Creusat, lui aussi membre de la DOPC.

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Inquiet pour la sécurité d’Alexandre Benalla, Laurent Simonin décide finalement de ne pas l’intégrer à une unité d’intervention et de le faire accompagner par un “poisson-pilote”, un major de 62 ans avec “40 ans d’expérience”.

On lui fournit un équipement, sur lequel les versions divergent. Le chargé de mission affirme avoir reçu, dans un sac, un casque, un masque à gaz, une combinaison ignifugée avec, scratché, le grade de capitaine, un ceinturon, un brassard et une radio acropole.

Le matin des faits, “j’ai pris le casque, le brassard, la radio acropole et j’ai laissé le reste”, assure Alexandre Benalla.

Pour lui, ce rôle d’observateur est alors “parfaitement clair: je dois juste être passif et noyé parmi les policiers”. D’ailleurs, lance-t-il, “ça se passe très bien au début”, avant que “ça pète”.

– “Touriste” –

Dans ses messages lus par le tribunal, Laurent Simonin demande pourtant à Alexandre Benalla de prévenir le cabinet de l’Elysée et celui du directeur de la DOPC. Il informera le premier, mais pas le second.

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“Pour moi, tout le monde était au courant”, soutient, sans se troubler, Alexandre Benalla, citant notamment un déjeuner peu de temps avant avec des responsables. “C’est un oubli, une erreur”, dit-il.

Puis le matin même, Alexandre Benalla propose à son ami Vincent Crase, employé du parti LREM et gendarme réserviste de l’Elysée, de l’accompagner. Sans prévenir M. Simonin, souligne la présidente du tribunal.

“Je suis arrivé à la préfecture de police et j’ai vu que ça ne posait pas de problème particulier”, se justifie sans hésiter Alexandre Benalla, “ça s’est fait naturellement”.

Vincent Crase n’a pas non plus prévenu sa propre hiérarchie. “Ca ne m’est pas venu à l’idée de les appeler”, déclare-t-il.

“Vous arrivez un peu en touriste en fait ?”, résume la présidente Isabelle Prévost-Desprez.

“Je vous parlais de la +transversalité des missions+, pour moi, ça rentrait dans ce cadre-là”, tente le prévenu.

L'”observateur” se rend sur la manifestation avec une arme et, sur place, récupère une matraque télescopique.

Comme la veille, Vincent Crase invoque le “risque terroriste” et ajoute: “si on est potentiellement assimilé à des forces de l’ordre, on peut être ciblés”.

“Mais vous n’êtes pas policier, gendarme, apparenté aux forces de l’ordre, vous êtes observateur”, insiste la présidente. “Là vous êtes, excusez-moi du terme, une potiche qui marche !”

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“On ne m’a pas dit: +ton rôle, c’est strictement d’observer+”, reconnaît Vincent Crase. En fait, on ne lui a “strictement rien dit” sur son rôle ce jour-là, admet-il.

Les deux hommes sont notamment jugés pour avoir brutalisé un couple place de la Contrescarpe et trois manifestants au Jardin des Plantes – des “interpellations”, selon eux. Ils comparaissent aussi pour avoir porté un brassard de police.

Un brassard enfilé sur le conseil d’un policier, assure Alexandre Benalla: “après une charge de CRS, il m’a dit: +identifie-toi+!”

Le procès se poursuit jusqu’au 1er octobre.