
Laminée par le camp gouvernemental aux élections régionales, l’opposition vénézuélienne vient de décider de ne pas participer aux municipales de décembre, semant le trouble dans ce pays pétrolier asphyxié par la crise à un an de la présidentielle.
Les trois principaux partis de la coalition contre le président Nicolas Maduro, réunie au sein de la Table de l’unité démocratique, (MUD), font ce choix car ils estiment que les conditions pour un processus électoral libre et transparent ne sont pas réunies, selon l’annonce lundi soir des dirigeants des mouvements Action démocratique, Volonté populaire et D’abord la justice.
Pour les analystes, le gouvernement met les bouchées doubles en avançant la date du scrutin municipal (initialement prévu au premier trimestre 2018), car il espère continuer sur sa lancée après sa large victoire aux régionales du 15 octobre. Contre toute attente, le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) de M. Maduro a obtenu 18 des 23 postes de gouverneurs.
Voici les trois scénarios de ce bras de fer:
– Une carte électorale toute rouge –
Le chavisme, du nom du défunt Hugo Chavez, président de 1999 à 2013, contrôle 242 des 337 mairies, contre 76 pour l’opposition. La vingtaine restante est aux mains de dissidents des deux bords ou de maires indépendants.
“Le gouvernement est en train de réaliser son plan de venir à bout de l’opposition, il les a divisés. A présent, il se dirige vers une victoire aux municipales par forfait”, déclare à l’AFP le politologue Luis Salamanca.
La décision des formations de l’opposition rappelle celle prise avant les législatives de 2005, qui avait laissé le champ libre au chavisme pour voter des lois qui ont accru son pouvoir.
Les adversaires du gouvernement pourraient donc perdre des villes-clés, ce qui laisserait une carte électorale entièrement rouge avec un PSUV hégémonique.
“La capacité de l’opposition à provoquer des changements politiques est très affaiblie. La balle est dans le camp du gouvernement”, juge l’analyste Luis Vicente Leon.
– Une résurrection de la MUD –
Julio Borges, le président du Parlement, contrôlé par l’opposition mais aux pouvoirs très limités par le camp présidentiel, assure que les anti-chavistes se devaient de “bloquer le jeu” pour que la communauté internationale accentue la pression en faveur d'”élections justes”. “La plus grande bataille, c’est la présidentielle”, souligne ce membre de Primero justicia (D’abord la justice).
Pour Luis Vicente Leon, les adversaires de M. Maduro doivent convaincre les électeurs qu’une abstention aux municipales “affaiblira le gouvernement et qu’ils ont un autre plan”.
De son côté, M. Salamanca juge peu important le scrutin de décembre et met l’accent sur la présidentielle, prévue à la fin de l’année prochaine: “Ce qui se joue en 2018, c’est un possible début de changement de régime, c’est l’avenir du pays”.
Mais il prévient que la MUD devra s’unir à nouveau car “les gens ne votent pas pour des partis” mais pour une opposition au gouvernement, qui est très impopulaire (80% de mécontents, selon le cabinet Datanalisis).
– De nouveaux leaders –
Fort de ses victoires électorales, le gouvernement devrait asseoir son emprise, mais M. Leon voit aussi “un chavisme condamné à se radicaliser et à s’isoler internationalement pour conserver le pouvoir”.
Les Etats-Unis de Donald Trump ont imposé une série de sanctions financières au Venezuela, tandis que l’Union européenne étudie d’éventuelles mesures similaires. Tous deux ne reconnaissent pas la puissante Assemblée constituante élue en juillet à l’initiative de M. Maduro et ont mis en doute la transparence des dernières élections régionales.
Sans négociation en vue entre les deux camps, la situation économique et politique du pays, en proie à de graves problèmes sociaux à causes de la pénurie d’aliments et de médicaments, devrait se détériorer davantage, selon les experts.
Autre danger: une division au niveau local des principaux partis de l’opposition, nombre de leurs membres refusant de voir les chavistes s’emparer de leurs mairies.
“On peut aussi s’attendre à un affaiblissement de la relation de confiance entre l’opposition et la communauté internationale, faute d’interlocuteurs valables”, prévient M. Leon.
Mais au milieu de ce que certains, comme le politologue John Magdaleno, qualifient de “suicide politique collectif”, Luis Vicente Leon met en avant des “espaces pour l’émergence” de nouveaux leaders, tant du côté de l’opposition que du chavisme.
© 2017 AFP. Tous droits de reproduction et de représentation réservés. Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l’AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l’accord préalable écrit de l’AFP.