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Aux assises, premier face-à-face entre le chirurgien Le Scouarnec et les victimes

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Aux assises, premier face-à-face entre le chirurgien Le Scouarnec et les victimes

Le chirurgien à la retraite Joël Le Scouarnec, au centre d’une vaste affaire de pédophilie, a affronté pour la première fois vendredi les quatre victimes qui l’accusent de viols et d’agressions au début de son procès, à huis-clos, aux assises à Saintes (Charente-Maritime).

Le procès s’est donc ouvert pour trois jours sans presse ni public malgré les appels à “briser l’omerta” lancés par les parents d’une victime, Lucie(*), 9 ans.

“On est en train de le couvrir avec le huis clos”, s’est insurgé Jérôme Loiseau, le père de la fillette, dont les confidences en 2017 à Jonzac avaient tout déclenché.

Il ne s’agit pas d'”un manque de courage” mais une mesure accordée “de droit”, en raison des faits jugés, a rappelé Isabelle Fachaux, la présidente, au sujet de la demande de huis clos formulée par les trois autres victimes, toutes majeures.

Depuis le box des accusés, crâne dégarni, l’accusé vêtu de noir dévisage lentement derrière ses fines lunettes la salle d’audience : les avocats, les parties civiles – sa famille aussi, est là, plusieurs proches arrivés dissimulés sous des capuches. Calme malgré sa mâchoire serrée, l’homme, âgé de 69 ans, décline d’une petite voix son identité : “Joël Le Scouarnec”, profession : “chirurgien”, avant que la salle ne se vide de ses occupants.

Le médecin est jugé pour quatre cas d’abus sexuels, un premier volet dans une enquête devenue vertigineuse : des viols (pénétrations digitales) sur sa petite voisine Lucie (*) et sur une de ses nièces dans les années 90, ainsi que pour des agressions sexuelles à la même période à Loches (Indre-et-Loire) sur une autre nièce et une patiente, qui avait 4 ans et dit ne rien se souvenir.

Il reconnaît des agressions, mais conteste les viols punissables de 20 ans de réclusion criminelle. “Il souhaite s’exprimer devant ses juges : il veut tenter de comprendre comment il a pu faire autant de mal”, assurait à l’AFP, avant le procès, son avocat Thibaut Kurzawa.

La journée de vendredi était consacrée à l’examen de la personnalité du chirurgien digestif et aux auditions des experts qui l’avaient décrit comme un “manipulateur fasciné par la pédophilie” lors de l’instruction.

“Il n’a pas beaucoup manifesté (d’émotion, ndlr), on ne sait pas ce qu’il pense, il est assez froid comme il le dit lui-même”, a relaté à la presse Me Vincent Doutreuwe, avocat de la patiente Amélie (*) .

– “Méchant” –

En avril 2017, avec ses mots d’enfant, Lucie a raconté que le voisin lui avait montré son “zizi” puis imposé une pénétration digitale dans le jardin mitoyen. Son récit allait révéler une affaire de pédophilie sans précédent connu en France, portant sur des centaines de victimes potentielles durant les 30 ans de carrière de ce médecin respecté, père de trois fils.

Devant les enquêteurs, cet amateur d’opéra avait confié son “attirance” pour les enfants et sa “boulimie” d’images pédophiles (300.000 retrouvées) qui lui avait valu en 2005 une condamnation pour des consultations illégales sur internet (4 mois avec sursis sans obligation de soins). Puis il avait avoué des “attouchements” sur des enfants de son entourage et dans des hôpitaux, des faits en partie prescrits.

Qui savait quoi? Selon l’enquête, dès 2006, son passé judiciaire était connu de sa hiérarchie, et sa famille était au courant de ses penchants, notamment sa femme dont le témoignage est très attendu.

Mais cette dernière, absente, a transmis un certificat médical que l’avocat général a demandé à la cour de vérifier.

“Voyez sa femme, elle est même pas capable de se déplacer. Hier, ma fille a dit : +moi je veux venir” pour “lui dire qu’il est méchant”, a déploré Jérôme Loiseau. Venu avec sa femme et son avocate, il a déserté la salle une partie de la matinée, de rage.

Leur plainte avait mené à des perquisitions qui ont révélé des milliers de documents informatiques du chirurgien, dont un journal intime commencé en 1990 détaillant de possibles abus et deux listings titrés “Vulvettes” et “Quéquettes” recensant de 1984 à 2006 les noms de près de 250 mineurs, autant de victimes potentielles. Les quatre victimes apparaissaient dans les archives secrètes du chirurgien.

La justice avait alors ouvert une seconde enquête qui a permis d’identifier à ce jour 349 victimes potentielles (246 ont porté plainte) dans son parcours hospitalier dans le centre et l’Ouest (Loches, Vannes, Lorient, Quimperlé), où il a officié sans être inquiété.

*(prénoms d’emprunt)

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