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Avant, pendant, après la présidentielle au Brésil: L’ombre de Lula

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Avant, pendant, après la présidentielle au Brésil: L’ombre de Lula

L’ombre de Lula, finalement empêché de se présenter à la présidentielle d’octobre, aura plané, immense, sur tout le processus électoral au Brésil, et va se projeter sur le mandat du prochain président, surtout s’il est de gauche.

Luiz Inacio Lula da Silva a beau être en prison depuis avril et avoir quitté le palais présidentiel du Planalto il y a huit ans, les rebondissements de sa situation politico-judiciaire ont accaparé le pays pendant des mois et déterminé la stratégie des grands partis en vue de l’élection du 7 octobre.

Depuis sa condamnation en appel en janvier à plus de 12 ans de prison pour corruption, l’ex-ouvrier métallurgiste de 72 ans s’est battu pour briguer un troisième mandat, avant de passer le relai le 11 septembre, à la dernière heure, à son poulain, le quasi inconnu Fernando Haddad.

Une stratégie du chef du Parti des travailleurs (PT) dénoncée par certains comme un “égo-trip” risqué, mais finalement très payante pour M. Haddad: il est donné par les derniers sondages victorieux d’un duel au deuxième tour contre Jair Bolsonaro, de l’extrême droite.

“Le maître des horloges de cette campagne a été Lula”, estime Gaspard Estrada, spécialiste de l’Amérique Latine à Sciences Po, “c’est en maintenant sa candidature qu’il a pu mettre le PT au centre du jeu. Depuis sa cellule de Curitiba, il a joué un rôle central”.

Les autres partis ont été suspendus des mois durant à “la candidature ou non-candidature” de Lula, “tel le centre droit, qui a mis énormément de temps pour définir sa stratégie d’alliances, à la fin juillet”, deux mois plus tard que d’habitude.

Même incarcéré et invisible, Lula, l’un des présidents les plus charismatiques que le Brésil ait jamais eus, reste puissant et déchaîne toujours les passions.

Figure historique de la gauche brésilienne, il avait quitté le pouvoir en 2010 avec un taux record d’approbation (87%) dans un pays émergent en pleine croissance. Il continue d’y avoir des adorateurs.

Des ennemis farouches aussi. Ceux qui, du centre jusqu’à l’extrême droite, ont la nausée à la seule idée d’un retour aux affaires de ce PT qui a remporté les quatre dernières présidentielles, plongeant, selon eux, le pays dans la crise politique, financière, morale et sécuritaire dans laquelle il reste désespérément englué.

– Sortie de prison –

En digne héritier, Fernando Haddad, s’il est élu, a assuré qu’il porterait fidèlement le programme d’un Lula auquel il va souvent rendre visite dans sa cellule.

Une allégeance caricaturée par Ciro Gomes, le candidat du PDT de centre gauche pour qui Haddad serait un président “qui irait consulter son mentor à chaque crise”.

Quel rôle pourra jouer Lula après la présidentielle? “Ce qui va être déterminant, c’est ce que la justice va faire de lui”, relève Christophe Ventura, chercheur à l’Iris.

Beaucoup estiment que Lula sortira de prison bien avant la fin de sa peine, quel que soit le président.

Selon des juristes, il pourrait passer dès avril 2020 (au sixième de sa peine) en régime semi-ouvert — la nuit seulement en prison — puis, deux ans plus tard, être assigné à résidence.

Deux juges de la Cour suprême ont également laissé entendre que cette juridiction pourrait aussi, dès le premier trimestre 2019, réviser la jurisprudence sur l’incarcération de Lula, et éventuellement permettre son élargissement.

Lula reste toutefois l’objet de cinq autres procédures et de nouvelles condamnations le feraient repartir vers la case prison.

Si M. Haddad est élu président du Brésil le 28 octobre, il a déjà exclu toute grâce du célèbre prisonnier.

“Lula est le premier à dire “+je ne veux pas de faveur. Je veux que les tribunaux brésiliens reconnaissent que je suis victime d’une erreur judiciaire+”, a expliqué M. Haddad à la radio CBN.

Mais Gaspard Estrada n’a “aucun doute que l’ancien président jouera un rôle central en tant que conseiller de Haddad”, que son rôle soit formalisé ou non.

Quant à une éventuelle entrée de Lula dans un gouvernement Haddad, “c’est un scénario théorique mais c’est certainement la ligne rouge à ne pas franchir pour une bonne partie de la société brésilienne”, note Christophe Ventura.

M. Haddad, s’il était élu, aurait pour gouverner “des conditions tellement difficiles” dans un Brésil en crise “qu’il ne pourra peut-être pas se permettre de faire entrer au gouvernement l’objet de toutes les passions brésiliennes”.

Mais “de toute façon Lula continuera d’exercer son magistère moral”, estime le chercheur.