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Cambodge : verdict historique dans le procès pour génocide des derniers chefs khmers rouges

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Cambodge : verdict historique dans le procès pour génocide des derniers chefs khmers rouges

Quarante après la chute d’un régime qui a fait quelque deux millions de morts, le tribunal parrainé par l’ONU rend vendredi un verdict historique au Cambodge contre les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore en vie, poursuivis cette fois pour génocide.

Ce jugement conclut un procès qui sera probablement le dernier intenté contre d’ex-membres du régime ultra-maoïste.

Bien que les exactions aient été perpétrées à très grande échelle entre 1975 et 1979, le Premier ministre Hun Sen, lui-même ancien cadre khmer rouge, a demandé à plusieurs reprises qu’aucun autre suspect ne soit renvoyé devant le tribunal, insistant sur le fait que cela pourrait provoquer des troubles dans le royaume.

L’audience doit débuter à 09H30 (03H30 GMT) et se poursuivre pendant plusieurs heures. Quelque 800 personnes sont attendues.

Les deux accusés, l’idéologue du régime Nuon Chea, 92 ans, et le chef de l’Etat du “Kampuchéa démocratique” Khieu Samphan, 87 ans, seront présents, a indiqué à l’AFP Neth Pheaktra, porte-parole des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), l’appellation officielle du tribunal.

Ils comparaissent depuis 2011 devant cette juridiction. Mais pour tenter d’accélérer la procédure afin d’obtenir au moins un verdict avant leur mort et au vu de l’étendue des charges, les débats ont été scindés en plusieurs procès.

A l’issue du premier, qui se concentrait sur “les crimes contre l’humanité”, les deux hommes ont été condamnés en 2014 à la prison à perpétuité, une peine confirmée en appel en 2016.

Le second procès, dans lequel un verdict est attendu ce vendredi, porte principalement sur des accusations de “génocide” à l’encontre des Vietnamiens et de la minorité musulmane cham.

Il ne concerne pas les massacres, fussent-ils de masse, des Khmers par les Khmers qui ne sont pas considérés par les Nations unies comme un génocide.

Autodafés de Corans, noyades collectives : entre 100.000 et 500.000 chams, sur un total de 700.000, ont été tués entre 1975 et 1979 par le régime de Pol Pot.

Quelque 200 membres de la minorité musulmane devraient assister à la lecture du jugement, d’après Neth Pheaktra.

– Viols et cannibalisme –

Lors de ce second procès, une centaine de témoins sont passés à la barre pour dénoncer décapitations, viols, mariages forcés et cannibalisme. Les deux accusés ont nié les atrocités.

“Le Vietnam a inventé cette idée inacceptable du génocide cambodgien”, a lancé lors de la dernière audience, en juin 2017, Khieu Samphan, ressassant une rhétorique classique contre le grand voisin vietnamien.

Quant à Nuon Chea, il se moque d’être condamné encore à la prison à vie (…) Il ne prend pas cette institution au sérieux”, avait déclaré son avocat, Victor Koppe.

Pour Youk Chhang, chef du Centre de Documentation du Cambodge, un organisme de recherche qui a fourni de nombreuses preuves au tribunal, ce verdict va permettre que “les terribles souffrances soient reconnues”.

“Cela pourrait aussi aider à refermer un chapitre horrible de l’histoire cambodgienne”, a-t-il ajouté.

Ce jugement va avoir “un poids très important pour le Cambodge, la justice pénale internationale et les annales de l’Histoire”, a déclaré de son côté David Scheffer, expert auprès du secrétaire général de l’ONU lors des procès.

A l’ouverture du procès, en juin 2011, quatre anciens responsables étaient dans le box des accusés. Mais la ministre des Affaires sociales du régime Ieng Thirith, considérée inapte à être jugée pour cause de démence, a été libérée en 2012. Elle est décédée depuis. Son mari Ieng Sary, ancien ministre des Affaires étrangères, est mort en 2013 à 87 ans.

Hormis Nuon Chea et Khieu Samphan, le tribunal a déjà condamné un autre accusé, Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef de la prison de Phnom Penh S-21, ou Tuol Sleng, où 15.000 personnes ont été torturées avant d’être exécutées en dehors de la ville. Il a lui aussi été condamné en appel en 2012 à la prison à perpétuité.

Pol Pot, le “frère numéro un”, est mort en 1998 sans avoir été jugé.