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Chili: plébiscite de candidats indépendants pour réécrire la constitution héritée de Pinochet

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Chili: plébiscite de candidats indépendants pour réécrire la constitution héritée de Pinochet

La droite au pouvoir du président Sebastian Pinera a essuyé un large rejet des électeurs chiliens qui se sont détournés des partis politiques traditionnels et ont plébiscité des candidats indépendants pour réécrire la constitution du pays datant de la dictature militaire d’Augusto Pinochet (1973-1990).

Contre toute attente, ce sont les candidats non-encartés (46,24%, 48 sièges + 17 réservés aux dix peuples autochtones) qui formeront le plus grand contingent parmi les 155 membres de l’Assemblée constituante élue sur une base paritaire (77 femmes, 78 hommes).

Les électeurs, appelés aux urnes samedi et dimanche, se sont sentis proches de ces candidats aux profils variés; travailleurs social, chef d’entreprise, assistante maternelle, mécanicien, enseignant, écrivain ou avocat, qui devront proposer une nouvelle loi fondamentale dans un délai maximum d’un an. Pour être approuvés, les articles requièrent le vote des deux tiers de l’Assemblée constituante.

Avec 20,56% des suffrages (37 sièges), la liste de la droite unie du président Pinera, défendant le maintien de la Constitution qui, selon elle, a favorisé la croissance économique du pays, a été balayée par des aspirations de gauche.

En effet, selon le politologue Claudio Fuentes, parmi ces candidats indépendants, “40% ne sont affiliés à aucun parti politique, bien que beaucoup d’entre eux ont des affinités vers le centre-gauche, et 60% sont liés aux partis traditionnels” de gauche, même s’ils n’en étaient pas les candidats officiels pour ce scrutin.

Les deux listes officielles à gauche, “La liste j’approuve” du Parti communiste (25 sièges) et celle “J’approuve dans la dignité” de centre-gauche (28 sièges) qui entendent proposer un nouveau modèle pour le pays avec différents droits sociaux garantis, comme l’éducation, la santé ou le logement, recueillent 33,20% des suffrages.

Même si la forte abstention, 56,6% des 14,9 millions d’électeurs, augure difficilement des résultats de la présidentielle en novembre, ce scrutin est un camouflet pour le président Pinera.

“Nous ne sommes pas suffisamment en phase avec les demandes et les désirs des citoyens et nous sommes mis au défi par de nouvelles expressions et un nouveau leadership”, a reconnu dimanche soir le chef de l’état conservateur.

Les marchés ont répercuté cette déroute surprise avec un recul de 9,6% du principal indice lundi matin à l’ouverture de la bourse de Santiago.

Pour l’analyste de droite Gonzalo Cordero, dans une colonne du journal La Tercera, “le Chili commence un nouveau cycle, nous ne savons pas combien de temps il va durer ni quelle sera la profondeur des changements liés à la nouvelle Constitution qui sera écrite”.

– “Incontrôlables” –

Pour la politologue Claudia Heiss, de l’Institut des affaires publiques de l’Université du Chili, ce résultat est “un transfert au niveau institutionnel du sursaut social” d’octobre 2019 pour réclamer une société plus égalitaire. “C’est ce qui se rapproche le plus de ce que le mouvement social aurait pu attendre”.

Le changement de la loi fondamentale actuelle, qui limite fortement l’action de l’Etat et promeut l’activité privée dans tous les secteurs, notamment l’éducation, la santé et les retraites, est vu comme la levée d’un obstacle essentiel à de profondes réformes sociales dans un pays parmi les plus inégalitaires d’Amérique latine.

La nouvelle Constitution devra être approuvée ou rejetée en 2022 par un référendum à vote obligatoire.

Selon Mireya Davila, de l’Institut des affaires publiques de l’Université du Chili, “le système politique est en train d’être reconfiguré, il y a un air de changement au Chili.

Parmi les vainqueurs de ce scrutin, la plus grande surprise est venue de la “liste du peuple” (24 sièges), dont les membres se définissent comme ceux qui ont “lutté tout au long de l’histoire pour obtenir la dignité et la justice”, avec une vision radicale des changements à opérer au Chili.

“Ce sont des gens qui sont clairement à gauche, qui ne sont pas membres de partis politiques, donc qui sont incontrôlables dans une assemblée”, prévient Mauricio Morales, politologue à l’université de Talca.

D’autres listes d’indépendants, plus modérés, pourraient être plus ouverts au dialogue avec les forces de centre-gauche, comme ceux de la liste des “Indépendants non neutres”, qui a décroché onze sièges.

La claque pour la droite au pouvoir s’est étendue sur les autres scrutins locaux avec notamment la perte de villes clés, dont la capitale, remportée pour la première fois par le parti communiste.

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