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Chypre-Nord: le candidat pro-Erdogan et le “président” sortant au second tour

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Chypre-Nord: le candidat pro-Erdogan et le “président” sortant au second tour

Le dirigeant chypriote-turc sortant affrontera le protégé d’Ankara au second tour de l’élection “présidentielle” de l’autoproclamée République turque de Chypre-Nord (RTCN), reconnue uniquement par la Turquie, duel entre deux façons d’envisager la paix sur l’île divisée et les relations avec le parrain turc.

Après dépouillement dans 723 bureaux sur 738, le Conseil électoral a annoncé que le candidat soutenu par la Turquie, Ersin Tatar, était arrivé en tête avec 32,46% des voix, devant le “président” sortant Mustafa Akinci, en froid avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a récolté 29,73%.

Un second tour les opposera le 18 octobre mais M. Akinci pourrait emporter facilement la victoire grâce à un report des voix, selon des analystes.

Cette élection “présidentielle” a lieu sur fond de tensions en Méditerranée orientale autour de l’exploitation d’hydrocarbures entre Ankara et Athènes, principal allié de la République de Chypre qui exerce son autorité sur les deux tiers sud de l’île et est membre de l’Union européenne.

La RTCN (environ 300.000 habitants) est établie sur le tiers nord de l’île, occupé depuis 1974 par la Turquie en réaction à un coup d’Etat pour rattacher Chypre à la Grèce. La Turquie, dont les côtes sont distantes de quelque 80 km de celles de Chypre, considère l’île comme une pièce majeure dans sa stratégie visant à étendre ses frontières maritimes.

M. Akinci est talonné par Tufan Erhurman (environ 21,62% des voix), un autre social-démocrate qui prône comme lui une réunification de Chypre sous la forme d’un Etat fédéral.

Selon Mine Yucel, directrice de Prologue consulting, spécialisé dans les sondages, “il est probable qu’Akinci gagne au second tour avec plus de 55% des voix” en raison de report des voix, notamment celles obtenues par M. Erhurman.

Au QG du “président” sortant, quelques centaines de ses soutiens étaient rassemblés et dansaient en tapant des mains sur des chansons locales, certains criant “on a gagné”.

– “Intervention turque” –

“Cette élection est cruciale pour notre destin”, a déclaré M. Akinci, 72 ans, après avoir voté, se disant préoccupé par la santé des Chypriotes-turcs en raison de la pandémie mais aussi par la “santé de la politique” en RTCN.

Cet indépendant partisan d’un desserrement des liens avec Ankara a dénoncé “l’intervention de la Turquie” dans l’élection.

La Turquie soutient ouvertement M. Tatar, 60 ans, actuellement “Premier ministre” du gouvernement auquel revient une grande partie des pouvoirs exécutifs.

“L’enjeu principal de l’élection c’est la manière dont nous définirons ensuite nos relations avec la Turquie”, selon le militant Kemal Baykalli, fondateur de l’ONG Unite Cyprus Now.

“La RTCN et son peuple forment un Etat (…) Nous méritons de vivre sur la base d’une souveraineté égale”, a déclaré M. Tatar, applaudi par ses supporters devant son bureau de vote, laissant entendre son soutien à une partition définitive du pays entre deux Etats souverains.

Depuis plusieurs années, les négociations pour une réunification achoppent notamment sur la question du retrait des quelque 30.000 soldats turcs présents dans le tiers nord occupé.

– “Nous voulons la paix” –

“Cette élection est importante car nous choisissons le président qui négociera avec les Chypriotes-grecs sur l’avenir de Chypre”, explique Esat Tulek, fonctionnaire à la retraite de 73 ans, électeur à Nicosie.

“Nous voulons la paix mais l’autre côté ne nous accepte pas, ils doivent reconnaître nos droits si nous faisons la paix”, affirme Ertan Cinar, banquier à la retraite de 75 ans.

Le scrutin a lieu après la réouverture controversée jeudi de Varosha (est), ville-fantôme bouclée par l’armée turque et emblématique de la division de l’île.

L’annonce de cette réouverture partielle de la ville abandonnée depuis l’invasion turque avait été faite par M. Tatar, au côté de M. Erdogan à Ankara.

Une décision critiquée par M. Akinci, la République de Chypre, l’Union européenne et l’ONU qui surveille la zone tampon entre les deux parties de l’île.

Pour Yektan Turkyilmaz, chercheur au Forum Transregionale Studien en Allemagne, de nombreux Chypriotes-turcs se sont sentis “blessés dans leur honneur et identité” par ce qu’ils considèrent comme une ingérence d’Ankara, même si cette réouverture reste symbolique.

L’élection en RTCN, qui dépend économiquement de la Turquie, a aussi lieu dans un contexte de crise économique, amplifiée par la pandémie de Covid-19. Plus de 800 cas y ont été recensés officiellement jusque-là, dont 4 décès.

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