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Colombie: à Cali, le déploiement de l’armée polarise un peu plus la ville

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Colombie: à Cali, le déploiement de l’armée polarise un peu plus la ville

D’un côté les applaudissements, de l’autre le rejet et la peur : dans la ville colombienne de Cali (sud-ouest), où les troubles sociaux polarisent la population, le déploiement de l’armée suscite des réactions contrastées.

Un millier de militaires ont été déployés depuis samedi dans la troisième ville la plus peuplée de Colombie (2,2 millions d’habitants), épicentre de la contestation antigouvernementale.

Vendredi, treize personnes ont été tuées durant cette journée marquant le premier mois des manifestations. Des civils vêtus de gilets pare-balles, munis de pistolets et de fusils ont notamment tiré sur les manifestants, sous les yeux de la police.

Dans la foulée, le président de droite Ivan Duque a décidé l’envoi de l’armée pour soutenir les forces de police, très critiquées pour la répression des manifestations.

En un mois de soulèvement populaire, au moins 59 décès, dont deux policiers, ont été enregistrés dans le pays de 50 millions d’habitants, selon un décompte officiel. Quelque 2.300 personnes ont été blessées et 123 sont portées disparues. Human Rights Watch évoque jusqu’à 63 morts.

Depuis le 28 avril, la Colombie, un des pays les plus inégalitaires au monde, est le théâtre d’une forte contestation sociale contre la politique du gouvernement.

Des négociations ont lieu à Bogota entre le gouvernement et des représentants des manifestants, mais sans sortie de crise pour l’heure.

A Ciudad Jardin, un quartier cossu de Cali, les militaires patrouillent dans les rues où des montagnes de déchets s’accumulent, des décombres jonchent la chaussée, des vitres et panneaux de signalisation ont été détruits, a constaté une équipe de l’AFP.

Des habitants klaxonnent pour exprimer leur soutien aux militaires.

“Malheureusement, l’armée est arrivée trop tard. Le bâtiment de la Torre impresarial (qui réunit des entreprises et des magasins) a été totalement vandalisé, ainsi que de nombreux commerces”, déplore Angela Sguerra, une médecin de 42 ans qui dit se sentir “plus protégée” depuis l’arrivée des soldats.

– “Tu nous tues” –

Au cours du week-end, des manifestations se sont poursuivies dans cinq points de la ville, où ont été érigées des barricades baptisées “lieux de résistance”.

“Pour l’instant, il n’y a pas eu de problème” avec l’armée, a témoigné auprès de l’AFP Juliana Bonilla, une responsable communautaire à Siloé, un quartier populaire qui a vécu plusieurs journées d’affrontements meurtriers avec les forces de l’ordre depuis le début de la contestation.

“Nous avons eu des heurts et des frictions avec la police, alors nous sommes plus prudents que jamais”, ajoute la jeune femme de 28 ans.

A Siloé aussi, les stigmates des destructions sont visibles. Des personnes sortent d’un magasin pillé et incendié pendant la nuit, avec des marchandises plein les bras. Les pompiers ont dit avoir dégagé un corps calciné des décombres.

Elizabeth Serna, 40 ans, une autre responsable communautaire, regrette que le gouvernement ait décidé de “militariser” la ville, sans écouter les revendications des jeunes des quartiers populaires.

Appauvris par la pandémie et les confinements successifs, ces derniers réclament un Etat plus solidaire, une meilleure éducation et des emplois.

Le chef de l’Etat colombien qui a mis le feu au poudre en lançant fin avril un projet de réforme fiscale en pleine pandémie, contesté puis retiré, a parcouru la ville samedi et a pu constater la fracture sociale qui la déchire.

Applaudi dans certains quartiers, il a été accueilli dans d’autres aux cris de “Dégage!”.

Un jeune homme lui lance : “Tu nous tues, tu n’auras pas de pardon !”, forçant le président à rentrer dans son véhicule sécurisé, selon des images vidéo devenues virales sur les réseaux sociaux.

Pour l’heure, ni l’armée ni la police ne s’approchent des barricades pendant la journée.

Sur l’une d’elles, un manifestant juché sur un conteneur surveille les entrées et sorties avec des jumelles.

Plus loin, Julian Rojas, 23 ans, le visage peint aux couleurs du drapeau colombien, veut entamer une grève de la faim, attaché à un poteau électrique, pour soutenir le mouvement de protestation.

“Il n’y a pas eu de déploiement militaire” ici, dit-il, assurant cependant avoir vu des hélicoptères et des avions survoler la zone.

D’un autre côté de la ville, Lilibeth Tejada, 41 ans, attend que l’armée puisse “défendre (s)on entreprise lorsqu’ils vont la piller”.

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