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Contestation en Algérie: étudiants dans la rue, grève diversement suivie

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Contestation en Algérie: étudiants dans la rue, grève diversement suivie

Des centaines d’étudiants sont à nouveau descendus dans la rue mardi en Algérie pour réclamer le départ du président Abdelaziz Bouteflika, des manifestations moins rassembleuses que ces dernières semaines en raison des vacances universitaires.

D’autres corporations se sont joint aux étudiants, alors qu’un appel à la grève générale dans les administrations et établissements publics semblait très diversement suivi.

Les rassemblements ont eu lieu dans plusieurs localités notamment à Béjaïa en Kabylie et dans la capitale Alger.

“On veut continuer nos marches même pendant les vacances” universitaires, au cours desquelles de nombreux étudiants quittent les campus pour rejoindre leur région d’origine, a déclaré à l’AFP Saïdi Mohamed Racim, étudiant à Béjaïa (180 km à l’est d’Alger).

Quelque 300 étudiants et enseignants, partis de l’Université Targa Ouzmmour de Béjaïa ont marché pacifiquement, sans présence policière visible.

“Système dégage”, “FLN, RND dégage”, ont-ils scandé à l’adresse des deux principaux partis soutenant M. Bouteflika, âgé de 82 ans et au pouvoir depuis 1999.

Arrivés à la préfecture, ils ont rejoint des cortèges d’agents de l’administration des forêts en costume kaki, des agriculteurs venus avec leurs tracteurs et des agents d’une institution publique de crédit. Tout le monde s’est ensuite dispersé.

“Ce qui se passe est sans précédent dans l’histoire de l’Algérie. Nous avons vécu toute notre vie pour voir ce moment”, a dit à l’AFP Sabrina Zouagui, enseignante en littérature française.

Un seul mot d’ordre pour l’ensemble des professions qui se relaient pour protester quasi-quotidiennement à travers l’Algérie, le théâtre depuis le 22 février d’une conteste station inédite contre le pouvoir.

“Il faut dire non à tout ce système et passer à l’Etat de droit”, a ajouté Mme Zouagui, “pour l’instant nous laissons de côté nos revendications corporatistes”.

– “Revendications nationales –

Même les revendications identitaires et linguistiques, très fortes en Kabylie, région berbérophone, sont laissées de côté.

“Pour le moment, ce qui nous intéresse, c’est de porter les revendications nationales, comme à Alger, Constantine et ailleurs”, a expliqué Mehrez Bouich, professeur de philosophie politique à l’Université de Béjaïa.

A Alger, plusieurs centaines d’étudiants et enseignants ont manifesté dans le centre-ville. En tête de cortège des étudiants vêtus de costumes traditionnels représentant les différentes régions et cultures du pays, tenaient des pancartes indiquant: “On est tous Algériens, tous unis”.

Les étudiants ont rejoint des chercheurs du Centre des énergies renouvelables, des ingénieurs ou des membres d’organisations liées à la Guerre d’indépendance algérienne contre la France (1954-1962), rassemblés sur le parvis de la Grande Poste, rendez-vous quasi-quotidien des contestataires au coeur d’Alger.

Les dirigeants “pensent qu’on va lâcher, ils jouent sur le temps; eh bien non! On sera là chaque mardi, jusqu’à ce qu’il partent tous”, a affirmé Sayet, 24 ans, étudiant en architecture.

– “Pouvoir fossile” –

Etudiante en informatique de 20 ans, Hayet dit vouloir “être fière de (son) pays: “Là, j’ai honte de me voir gouvernée par des vieux qui ne veulent pas lâcher le pouvoir. Pas que Bouteflika, mais aussi tous ceux qui l’entourent”.

Samy Bouchaib, chercheur au Centre de développement des Energies renouvelables, file la métaphore: “On est contre un pouvoir fossile, on a besoin d’un pouvoir qui se renouvelle avec des compétences jeunes”.

Devant la Grande Poste, Ahmed, 65 ans, fils de “Chahid” (“martyr”, combattant tué durant la Guerre d’indépendance) tient une pancarte où est écrit: “1954-1962-2019, on a pas encore goûté à l’indépendance”.

Fils d’un ancien combattant, Tarek Abaoui, estime que les vrais “moujahidine sont morts, la mafia qui nous gouverne n’a jamais participé à la libération du pays”. “Cette mafia doit partir, elle ne nous représente pas, nos parents n’étaient pas des voleurs”.

Un appel à la grève générale lancé dans les administrations, établissement et entreprises publiques semblait diversement suivi.

Joint par l’AFP, le Syndicat national autonome des Personnels de l’administration publique a fait état d’une grève suivie à 60% au niveau national, un chiffre impossible à vérifier.

A Alger, les transports publics fonctionnent normalement, de même que les services municipaux. Les médias ont fait état de divers débrayages dans certaines administrations à travers le pays.

La contestation dans ce pays pétrolier a été déclenchée par l’annonce de la candidature de M. Bouteflika à un 5e mandat à la présidentielle du 18 avril. Le chef de l’Etat a finalement renoncé à se présenter mais il a reporté le scrutin à après une conférence nationale -dont la date n’a pas été fixée- prolongeant de fait son actuel mandat.