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Cuba: Raul Castro, le pragmatique sorti de l’ombre de Fidel

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Cuba: Raul Castro, le pragmatique sorti de l’ombre de Fidel

Longtemps dans l’ombre de Fidel, Raul Castro, qui prend sa retraite à 89 ans, aura été pendant 15 ans un dirigeant pragmatique à la tête de Cuba, lançant des réformes inédites mais inachevées, et sans céder sur le dogme du parti unique.

Quand son charismatique grand frère, malade, lui a laissé la présidence en 2006, Raul, plus habitué aux coulisses, a dû presque malgré lui s’avancer sur le devant de la scène.

Mais “il n’a jamais cherché à imiter la personnalité de son frère, il a construit sa propre autorité, plus rationnelle et pragmatique”, explique Michael Shifter, président du groupe de réflexion Dialogue Inter-Américain, basé à Washington.

C’est finalement avec lui que le pays aura le plus évolué en si peu de temps: ouverture à l’économie de marché, autorisation donnée aux Cubains de voyager à l’étranger, de vendre leurs voitures ou leurs logements, libération de dissidents…

Surtout, il a été l’un des deux protagonistes, avec Barack Obama, d’un rapprochement impensable auparavant, entre Cuba et Etats-Unis, donnant lieu à un dégel historique mais éphémère, de 2014 à 2016.

Après avoir cédé la présidence à Miguel Diaz-Canel, 60 ans, en 2018, cet homme de caractère réservé, qui fuit les médias, devrait lui confier son poste actuel, le plus puissant sur l’île: premier secrétaire du Parti communiste (PCC, unique).

Mais “que personne n’en doute: tant que je vivrai, je serai prêt, avec le pied sur l’étrier, pour défendre la patrie, la révolution et le socialisme”, a-t-il prévenu, vêtu de son uniforme militaire.

La fin d’une carrière marquée par la révolution de 1959.

– Détermination de fer –

“La guerre (…), la prison, l’exil, ces trois choses sont celles qui unissent le plus les hommes, et la majorité d’entre nous, nous avons connu les trois”, confiait, dans le documentaire “La Guerre nécessaire” (1980), celui qui sera ministre de la Défense pendant 50 ans.

La famille Castro venait du village de Biran (est) et c’est là que Raul a partagé ses premières années avec les enfants des employés de la propriété paternelle, nageant avec eux dans les rivières ou faisant de grandes balades à cheval.

A 22 ans et sans expérience militaire, il rejoint son frère Fidel dans l’attaque ratée de la garnison Moncada en juillet 1953: suivront deux années de prison puis l’exil au Mexique en 1955, avant de revenir en 1958 à bord du Granma pour mener la révolution, cette fois couronnée de succès.

Son visage poupin et imberbe, à la différence des autres “barbudos”, cache alors une détermination de fer, quand il s’agit de fusiller les agents de la dictature de Fulgencio Batista, en fuite.

“Je ne pouvais pas apparaître face à l’ennemi avec une âme charitable”, se justifiera-t-il en 1993 dans un rare entretien au journal Diario de México.

Avec ses troupes, il affiche un tout autre visage.

“Il aimait bien discuter, faire des blagues et prendre un verre avec ses officiers (…), il avait ce truc qui faisait que les soldats l’aimaient bien”, raconte à l’AFP Hal Klepak, professeur émérite d’histoire et de stratégie au Royal Military College au Canada.

– “Bon organisateur” –

Son autre atout, c’est qu'”il a toujours été un bon organisateur et administrateur”, indique Michael Shifter. Il a “montré un grand talent et une capacité à organiser et diriger” les forces armées révolutionnaires, à qui il a attribué des pans entiers de l’économie, première raison de la survie du régime dans les années 1990.

Cette qualité sera décisive pour structurer le PCC et porter avec succès l’armée cubaine au cœur de l’Afrique, en Ethiopie et en Angola, dans les années 1970 et 1980.

C’était “le déploiement militaire d’un pays latino-américain hors de sa région le plus important de l’histoire”, salue Hal Klepak.

Si Raul Castro s’est montré réformateur comme président, Michael Shifter juge son chantier économique inachevé, l’Etat continuant de dominer la majorité de l’activité.

Et sur le plan politique, il n’a pas “ouvert la voie au pluralisme politique” et “maintenu un Etat autoritaire et répressif”.

Homme de famille, à l’inverse de son frère, il a connu son épouse Vilma Espin dans le maquis et a eu quatre enfants avec elle dont un fils, Alejandro, colonel spécialiste des relations internationales qui n’est plus apparu en public après avoir représenté Cuba dans les négociations secrètes préalables au dégel avec Washington.

Longtemps présidente de la Fédération des femmes cubaines, Vilma est décédée en 2007 et enterrée à Santiago de Cuba (est), sous une pierre de granit… qui porte déjà le nom de Raul.

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