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Dans le delta du Nil, des fermiers veulent sauver le papyrus

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Dans le delta du Nil, des fermiers veulent sauver le papyrus
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Au milieu d’un paysage de rizières dans le Delta Nil, les fermiers d’Al-Qaramous misent tout sur le papyrus depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, ils luttent pour sauver leur gagne-pain menacé par la raréfaction des touristes.

Dans les années 1970, les fermiers de ce village, situé à 80 kilomètres au nord-est du Caire, se sont réappropriés des techniques agricoles et artisanales millénaires qui avaient quasiment disparu.

Depuis, la majorité de la production de papyrus égyptien vient des environs, dans le gouvernorat de Charqiya, selon les professionnels du secteur.

Si le papyrus était utilisé dans l’Egypte ancienne comme support pour l’écriture, les peintures sur la précieuse feuille issue de la plante sont aujourd’hui un des souvenirs préférés des visiteurs étrangers.

Les artistes, basés à Al-Qaramous ou au Caire, disposent d’une vaste gamme de sujets: hiéroglyphes, pharaons, dieux et déesses antiques, calligraphie arabe ou encore paysages.

Mais après la révolte populaire de 2011 et l’instabilité politique qui a suivi, les touristes ont déserté le pays.

En 2020, ces derniers commençaient à peine à reprendre le chemin de l’Egypte lorsque l’épidémie de Covid-19 a frappé, affectant de nouveau ce secteur crucial.

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Cette année-là, le pays n’a encaissé que quatre milliards de dollars de revenus touristiques contre les 16 escomptés.

Désormais, à Al-Qaramous, 25 fermes tentent de vivre du papyrus, contre environ 500 avant 2011, affirme Saied Tarakhan, 60 ans, fermier et artiste peintre, fondateur d’une association de professionnels du secteur en 2014 dans le village.

“J’ai perdu environ 80% de mon revenu, j’avais près de 1.000 dollars par mois et maintenant presque zéro”, dit à l’AFP M. Tarakhan, qui possède un champ de 0,2 hectare.

– Penser autrement –

Abdel Mobdi Moussalam, 48 ans, est lui propriétaire d’un atelier de transformation du papyrus en feuilles dans le village.

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La plante, qui peut atteindre quatre mètres de haut et pousse les pieds dans l’eau, se caractérise par son feuillage en éventail, célèbre pour avoir inspiré les chapiteaux des colonnes de nombreux temples égyptiens.

Pour la transformer, les gestes n’ont pas changé depuis des millénaires. La tige, une fois récoltée, est découpée en fines lamelles avec un fil. Celles-ci sont immergées dans l’eau, puis alignées sur des carrés de tissu. Le tout est placé sous une presse et mis à sécher.

“Le papyrus est notre seule source de revenus. Je ne connais rien d’autre. C’est ma vie”, affirme M. Moussalam qui déplore lui aussi des pertes d’environ 80%.

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Avant 2011, il employait huit ouvriers. Aujourd’hui seules deux personnes travaillent pour lui.

A Guizeh, non loin des célèbres pyramides, Ashraf el-Sarawi, 48 ans, propriétaire d’un vaste magasin de peintures sur papyrus, vide de touristes, confirme le malaise qui règne dans le secteur, tout en gardant espoir.

“Le tourisme ne meurt jamais, il est peut-être malade pour un moment mais ça reviendra”, dit-il en assurant que son magasin, qui a fermé pendant plusieurs mois à cause de l’épidémie, a perdu la grande majorité de ses revenus depuis l’an dernier.

Pour échapper à la crise, Saied Tarakhan a diversifié sa production. Il fabrique maintenant des carnets en papyrus, des feuilles compatibles avec les imprimantes, ou encore des feuilles à base de papyrus recyclé.

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“Nous essayons de penser autrement pour pouvoir poursuivre”, explique-t-il. “Je dis merci au Covid-19! Il nous a permis de développer notre travail pendant le confinement.”

Depuis quelques mois, son fils Mohamed, 30 ans, a lancé l’entreprise familiale dans le commerce en ligne.

“Au début, nous vendions seulement sur le marché local, mais après le Covid, nous avons essayé d’atteindre plus de gens (…) donc nous avons commencé à vendre nos produits en ligne à l’extérieur de l’Egypte”, raconte Mohamed Tarakhan.