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Dans Mossoul détruite, il faut compter des heures pour traverser le fleuve

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Dans Mossoul détruite, il faut compter des heures pour traverser le fleuve

Avant, Ahmad n’avait qu’à emprunter un pont pour rejoindre en quelques minutes son université à Mossoul, dans le nord de l’Irak. Aujourd’hui, dans la ville dévastée par neuf mois de sanglants combats, il lui faut plus de deux heures.

Dans la province de Ninive, où se trouve la deuxième ville du pays reprise aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI) en juillet, “90% des 70 ponts” ont été totalement ou en partie détruits, explique à l’AFP Marouane Abderrazaq, en charge de la communication de la direction provinciale des Ponts et chaussées.

Certains ont été pulvérisés par les jihadistes, d’autres ont été détruits par l’aviation irakienne ou celle de la coalition emmenée par les Etats-Unis pour couper la route et l’approvisionnement de l’EI.

De certains ponts, il ne reste que des piliers de béton en partie immergés, d’autres, soufflés par les explosifs, ont été brisés en deux et forment désormais de tristes “V” que certains passants dévalent avant de remonter dans l’autre sens.

– Embouteillages monstres –

Aujourd’hui, plus de cinq mois après que les troupes gouvernementales ont repris le contrôle de la ville, traverser le Tigre, qui coupe Mossoul du nord au sud, ou ses affluents ailleurs dans la province de Ninive est devenu un parcours du combattant pour les millions d’Irakiens de l’immense province.

Un temps, il a fallu descendre jusqu’à Hamam al-Alil, une petite localité à une trentaine de kilomètres au sud, ou même jusqu’à al-Qayyarah, deux fois plus loin encore, pour trouver des ponts flottants de métal installés en travers du Tigre au cours des combats pour acheminer les troupes.

Désormais, grâce à des prêts de la Banque mondiale et des Nations Unies, deux ponts ont été temporairement rétablis à Mossoul et trois autres sont en travaux.

En outre, une délégation allemande est venue évaluer les dégâts et préparer des plans pour la reconstruction de sept ponts dans la province de Ninive, assure M. Abderrazaq.

Grâce à eux, Ahmad Meyssar a pu retrouver le chemin de l’Université. Mais cet Irakien de 20 ans sort maintenant de chez lui “vers 05H30 ou 06H00”. C’est le temps qu’il faut “pour être sûr d’être à l’heure à l’Université où les cours débutent à huit heures”.

Car dans la ville de près de deux millions d’habitants, il n’est pas le seul à vouloir traverser le Tigre.

Autour de lui, des centaines de voitures sont alignées, formant des embouteillages sur plusieurs kilomètres. Un phénomène quotidien sur les deux seuls ponts praticables de la ville sur lesquels des rampes métalliques ou des ponts flottants parallèles ont été installés.

Un peu plus loin, Fathiya Soubhi, une mère de famille de 44 ans porte l’un de ses enfants sur ses épaules. Si elle est à pied, explique-t-elle, c’est qu’elle ne peut “pas payer un taxi pour traverser”. Il lui faut donc plus d’une demi-heure pour parcourir en slalomant entre les voitures et autres scooters les 330 mètres du pont.

– Vivre et travailler sur une seule rive –

“On ne peut pas vivre comme ça! Quand le gouvernement est venu, est-ce qu’il ne devait pas tout reconstruire pour les habitants?”, s’emporte-t-elle.

Les embouteillages monstres ont forcé Yahya Ahmed à changer ses habitudes de travail. Ce chauffeur de taxi de 37 ans qui vit sur la rive est du Tigre ne prend plus de courses vers la rive ouest. “Avant, on traversait sans y penser d’un côté à l’autre, mais maintenant, cela prend deux heures et demie, donc je ne travaille plus que d’un côté du fleuve”, explique à l’AFP ce père de six enfants.

Hussein Nabil, ingénieur de 40 ans, s’active sur un chantier perché sur l’un des ponts de Mossoul. Construit en 1934, cet ouvrage métallique qui traverse la ville en son coeur –deux autres ponts le bordent plus au sud et autant plus au nord– est surnommé par les habitants “l’Antique” ou le “Vieux pont”.

Les travaux, assure-t-il, “devraient finir d’ici six mois”. Les voitures pourront de nouveau l’emprunter en août, assurent les autorités.

Soit plus d’un an après l’annonce triomphale de la “libération” de Mossoul.

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