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De Trotsky à Morales, le Mexique terre d’asile

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Après Leon Trotsky, la veuve de Salvador Allende, sans oublier les républicains espagnols et des intellectuels tels que le cinéaste Luis Buñuel, c’est au tour du Bolivien Evo Morales d’avoir trouvé refuge au Mexique.

“Je suis très fier de diriger un gouvernement qui garantit le droit d’asile”, a affirmé le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) en accueillant mardi le président bolivien démissionnaire.

“Le Mexique m’a sauvé la vie”, a remercié M. Morales en descendant de l’avion militaire mis à sa disposition par AMLO et qui était venu le chercher en Bolivie.

Agustin Gutierrez Canet, ambassadeur du Mexique à la retraite, explique à l’AFP qu’accorder un asile politique à Evo Morales s’inscrit parfaitement dans le cadre des conventions inter-américaines signées par Mexico sur cette question.

“La seule condition à respecter est que la personne concernée soit persécutée pour des raisons politiques susceptibles de mettre en danger sa vie, sa liberté ou son intégrité physique”, précise M. Canet.

Le cas de M. Morales était “urgent”, estime le diplomate à la retraite. Evo Morales a lui-même confié aux journalistes que sa vie avait été mise en danger et que des voisins l’avaient littéralement sauvé.

Mais cette offre d’asile ne fait cependant pas l’unanimité dans le pays. L’opposition à AMLO, en particulier Action nationale (PAN, conservateurs), l’a critiquée sévèrement, tandis que le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui durant sept décennies au pouvoir a accueilli des milliers de politiciens persécutés, est resté muet.

“On parle d’un dictateur qui veut se faire réélire ! Il est persona non grata au Mexique”, a écrit sur Twitter l’ancien président Vicente Fox (2000-2006), du PAN.

L’écrivaine Elena Poniatowska, prix Cervantes 2013 et proche d’AMLO s’est fendue d’un tweet acéré se demandant “pourquoi les présidents de la république veulent-ils rester au pouvoir pour l’éternité ? Pourquoi Evo Morales persiste-t-il à penser qu’il n’y a personne d’autre que lui ?”

– Pas de considérations idéologiques –

“Diverses opinions peuvent s’exprimer, qu’elles émanent de la droite ou de la gauche. Ce qui compte c’est que l’octroi de l’asile politique ne puisse être tributaire de considérations idéologiques”, tranche l’ex-ambassadeur Gutierrez Canet.

Si le cas de Trotsky est le plus notoirement connu, pour M. Gutierrez Canet, le dirigeant nicaraguayen César Augusto Sandino “a été le premier homme politique” accueilli par le Mexique.

Après avoir été expulsé d’Union soviétique par Joseph Staline en 1929, Trotsky s’est rendu en pèlerinage en Turquie, en Norvège et en France avant d’arriver à Mexico en 1937.

“C’est le muraliste Diego Rivera (mari de Frida Khalo) qui a intercédé en sa faveur auprès du président Lazaro Cardenas. Mais la protection mexicaine n’a finalement pas fonctionné puisque Trotsky a été assassiné par Ramon Mercader”, explique-t-il.

M. Cardenas est aussi entré dans l’histoire de son pays en recevant les républicains espagnols après la victoire de Franco à l’issue de la guerre d’Espagne. Plus de 20.000 exilés espagnols ont trouvé refuge au Mexique, parmi eux des politiciens, des intellectuels de renom, des hommes d’affaires, et des anonymes.

Le poète espagnol Leon Felipe est devenu une figure familière des cafés de la bohème mexicaine, tandis que le cinéaste Luis Buñuel s’est lui aussi intégré dans le paysage local où il a tourné plusieurs de ses films, notamment Los Olvidados (Les Oubliés). Il est mort à Mexico en 1983.

En 1955, ce sont les frères Fidel et Raul Castro qui s’exilent au Mexique, d’où ils fomentent leur débarquement à Cuba à bord du Granma.

Les portes du Mexique se sont ouvertes plus grandes encore dans les années 70, à la suite de plusieurs coups d’État et prises de pouvoir par des dictatures militaires en Amérique du Sud.

Le départ en exil d’Hortensia Bussi Soto de Allende quatre jours après le coup d’Etat du 11 septembre 1973 fut dramatique. Elle se réfugia in extremis dans les murs de l’ambassade du Mexique au Chili. Ce sont les efforts diplomatiques menés par le Mexique qui lui permirent d’obtenir des sauf-conduits pour sa famille et nombre de collaborateurs de son mari.

D’autres latino-américains ont bénéficié de l’asile mexicain, notamment des Argentins et des Uruguayens. La prix Nobel de la Paix (1992) Rigoberta Menchu, fuyant le Guatemala en 1980, s’est réfugiée au Mexique. Marta de Cea, une intellectuelle argentine, est arrivée au Mexique en 1976 après avoir été kidnappée par la junte militaire de son pays.

“Je suis toujours là, au Mexique, après plus de 40 ans, je suis devenu citoyenne mexicaine, j’ai bâti un foyer, mes filles sont mexicaines. Je suis très reconnaissante envers ce pays”, avoue-t-elle avec émotion.

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