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Des défenseurs du loup gardent des brebis pour briser le tabou

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Des défenseurs du loup gardent des brebis pour briser le tabou

Dans la nuit tombante, Pascal Gomes, un informaticien en congé sabbatique, surveille les 650 brebis dont il a la charge, dans un alpage des Alpes-de-Haute-Provence. Son objectif: les protéger du loup, et contribuer à rétablir le dialogue entre “pro-” et “anti-“.

“Mon intime conviction, c’est que même si on tuait tous les loups, ils reviendraient”, estime ce passionné de photo animale, qui prête main forte à un berger en surveillant ses animaux la nuit depuis 10 jours, dans le cadre d’un programme mis en place par Férus, une association de protection animale.

Dans ce coin de montagne très boisé, à quelques dizaines de kilomètres de Digne-les-Bains, Pascal n’a pas été déçu: il a vu à deux reprises “plusieurs loups, un adulte et des jeunes”. Il a même pris quelques clichés. “La première fois, ça m’a fait chaud au c?ur de les voir”, glisse-t-il.

Via le programme Pastoraloup, cet “éco-volontaire” oeuvre dans un département où les attaques du canidé sont fréquentes –268 constatées dans les Alpes-de-Haute-Provence entre le 1er janvier et le 31 août selon la direction départementale des territoires.

A 56 ans, Pascal a voulu “voir des deux côtés, celui du loup et celui des éleveurs”. Cette année, l’initiative de Férus, a formé une vingtaine de nouveaux bénévoles aux bases du pastoralisme. Mais même si le recours à un de ces volontaires est une aide précieuse, de nombreux éleveurs refusent de leur ouvrir leur porte.

Eric Vissouze, qui anime Pastoraloup, le déplore, mais le comprend: “Férus c’est le diable pour eux, c’est comme faire venir le loup dans la bergerie!”.

– “La boule au ventre” –

Pascal, lui, a été bien accueilli par Roger Carreard, le berger qu’il relaie chaque soir. Sur un calendrier placardé dans leur cabane en altitude, certains jours sont marqués d’un “LOUP” au stylo rouge. Des “visites” dont Roger se passerait bien: “Cet été, je l’ai vu cinq ou six fois, j’ai été servi! Maintenant je ne veux plus le voir, j’ai la boule au ventre, je ne suis plus tranquille…”.

Plusieurs des brebis qu’il garde ont été tuées cet été, en plein jour, sous ses yeux. “Je ne sais pas comment ça va finir mais y en a de plus en plus”, souffle le berger aux 17 ans d’expérience. Quand il mène son troupeau, Roger ne quitte pas son fusil, à l’épaule sur une veste camouflage. Le quinquagénaire sait qu’il n’a pas le droit de tirer sur un loup, mais se dit qu’il pourrait “au moins l’effrayer” avec son arme.

Dans la vallée en contrebas, coule la Bléone –la “rivière du loup” en occitan. Pourtant, ici tout le monde avait pendant longtemps oublié le canis lupus. “Du temps de nos grands-parents, on allait voir les bêtes une fois par semaine et tout allait bien”, raconte Julien Daumas, éleveur à Blégiers, à une demi-heure de Digne-les-Bains.

Les chiens de protection, les sirènes d’effarouchement, les lumières “fox light” autour des parcs de brebis la nuit, sont autant d'”aides”, mais Julien ne voit qu’une solution: “Surveiller son troupeau 24 heures sur 24, 365 jours par an”. Et pour ça, “heureusement qu’il y a les écovolontaires” de Pastoraloup, reconnaît l’éleveur, qui a longtemps refusé l’aide du programme de Férus, craignant des bénévoles “militants”. “En général, après avoir vu notre quotidien, la mentalité des volontaires évolue, ils sont plus ouverts”, remarque-t-il.

Mais pour améliorer encore la situation entre “pro-” et “anti-loups”, Eric Vissouze milite de son côté pour que les initiatives mises en place par Pastoraloup soient proposées par un organisme “neutre” et de façon systématique: “Je suis sûr que les éleveurs les accepteraient”.

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