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Des podcasts pour briser les tabous sexuels dans le monde arabe

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Des podcasts pour briser les tabous sexuels dans le monde arabe

Orgasme, masturbation, éjaculation précoce: des podcasts brisent des tabous dans le monde arabe en parlant ouvertement de sexualité, et rencontrent un succès grandissant, surtout auprès des femmes.

“Il y a un appétit croissant pour un contenu auquel (les auditeurs) peuvent s’identifier”, notamment les “expériences charnelles”, explique Hebah Fisher de Kerning Cultures.

Cette société basée aux Emirats arabes unis produit le podcast “Jasadi” (“Mon corps”) pour “raconter des histoires qui n’ont pas été racontées”, poursuit Mme Fisher.

Ce contenu “créé pour nous et par nous est en forte demande”, ajoute-t-elle.

Le podcast qui traite de santé physique, dont des sujets liés au sexe et au corps, mais aussi mentale, est largement suivi en Arabie saoudite, en Égypte et aux Emirats.

Avec plus de 70% d’auditrices, “Jasadi” est la troisième émission la plus populaire de Kerning Culture.

Son audience a été multipliée par six depuis son lancement en 2019, la société Apple le désignant en 2020 comme l’un des meilleurs podcasts au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

– “Eib” –

Dans l’un des trois podcasts les plus populaires de “Jasadi”, deux femmes, une de Jordanie et une autre du Soudan, discutent de manière anonyme de la première fois où elles ont entendu parler de sexe et de leur première expérience sexuelle.

“Je ne sais pas pourquoi nous acceptons moins les termes arabes désignant les organes génitaux que ceux en anglais”, lance l’une des participantes.

“Pas un seul mot se référant à notre anatomie sexuelle n’est utilisé de manière normale”, déplore la jeune femme.

Et de citer l’exemple du mot “mahbal” (“vagin” en arabe) qui en raison de sa proximité avec le mot “ahbal” (“stupide” en arabe) donnait lieu, selon elle, à des blagues ou des insultes de la part des enfants à l’école.

“Jasadi” n’est pas le seul podcast visant à briser les tabous sur le sexe, encore enracinés au sein des sociétés arabes, où l’éducation sexuelle à l’école ou à la maison est largement absente.

“Eib” (“Honteux”), une production de la société Sowt basée en Jordanie, aborde également depuis son lancement en 2017 des sujets liés notamment au sexe, à la pornographie et à la masturbation.

“+Eib+ est la meilleure émission de Sowt en termes de diffusion et d’audience”, notamment en Arabie saoudite, en Egypte et aux Emirats, assure Maram Alnabali de Sowt.

Le nombre de ses auditeurs continue de croître après avoir déjà bondi d’environ 95% en 2020, à plusieurs centaines de milliers, indique-t-elle.

– “Informer” –

Au Liban, avec son podcast hebdomadaire “Haki Sarih” (“Franc-parler”), la médecin Sandrine Attallah aborde de façon directe des sujets comme l’éjaculation précoce, les orgasmes clitoridiens ou la masturbation.

Là encore, c’est un succès: son podcast, dont elle est la principale animatrice, a suscité plus d’un million de téléchargements et de flux, principalement en Arabie saoudite, en Egypte et aux Emirats.

“Nous ne sommes pas suffisamment informés sur la sexualité”, déplore cette sexologue à l’hôpital américain de Beyrouth.

“Même si vous recevez une sorte d’éducation sexuelle à l’école, on ne vous apprendra pas comment vous masturber ou avoir un orgasme”, dit-elle.

“Vous n’apprendrez pas non plus ce qu’est le fétichisme, le BSDM (Bondage, punition, sadisme, masochisme) ou le sexe anal”, ajoute-t-elle.

Son audience mensuelle, dont un peu plus de la moitié représente des femmes, est passée de 70.000 auditeurs en avril 2020 à 100.000 en mars dernier.

Mais son envie de parler de façon franche de sexualité a suscité des moqueries à plusieurs reprises à la télévision.

En mars par exemple, durant une émission télévisée en direct dont elle était l’invitée, les deux animateurs l’ont fait taire à plusieurs reprises, l’accusant de chercher à “exciter” ses auditeurs.

“Ils disaient (…) que je draguais les gens, que j’utilisais des termes inconvenants”, dit-elle.

Mais avec son podcast, produit par le “Hakawati Network”, elle défend avant tout son droit à informer sur la sexualité.

“C’est véritablement de l’information, c’est très instructif”, se défend-elle.

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