Home Pure Info Dique da Vila Gilda, l’extrême pauvreté sur pilotis au Brésil

Dique da Vila Gilda, l’extrême pauvreté sur pilotis au Brésil

0
Dique da Vila Gilda, l’extrême pauvreté sur pilotis au Brésil
placeholder

Dans la plus grande favela sur pilotis du Brésil, il faut faire attention où l’on pose les pieds: les planches branlantes qui enjambent l’eau putride entre les mansardes de bois craquent souvent sous les pas.

“Si tu tombes ici, tu y restes”, confie à l’AFP Deise Nascimento dos Santos, 54 ans, qui dû recevoir 23 points de suture après une chute à la sortie de sa maison.

Bienvenue à Dique da Vila Gilda, un des symboles de l’extrême pauvreté et des inégalités abyssales du Brésil, qui n’ont fait que se creuser avec la pandémie de Covid-19.

À l’embouchure du fleuve Rio dos Bugres, dans l’Etat de Sao Paulo (sud-est), cette favela se trouve sur le territoire de Santos, qui est paradoxalement l’une des municipalités au meilleur indice de développement humain du pays et abrite le plus grand port d’Amérique latine.

Le coronavirus, qui a fait plus d’un demi-million de morts au Brésil, est loin d’être le seul fléau qui s’abat au quotidien sur les quelque 26.000 habitants entassés dans des cabanes sans fenêtres sur pilotis.

“Il y a des rats, des cafards, la dengue, le chikungunya, on a de tout ici”, déplore Eliette Alves, qui consacre près de 70% de sa maigre retraite au paiement des 500 réais (environ 80 euros) du loyer de la mansarde qu’elle partage avec son fils.

placeholder

Le bois est abîmé par l’humidité et on peut voir la mangrove et les immondices qui jonchent le fleuve Bugre à travers un trou dans le plancher.

Mais sa plus grande crainte est de mourir brûlée vive dans son sommeil. En avril dernier, plusieurs maisons à quelques mètres de la sienne sont parties en fumée.

“C’était horrible d’entendre le craquement du bois, il ne me restait qu’à demander à Dieu que le feu n’arrive pas jusqu’ici”, raconte-t-elle.

– Paysage dystopique –

Plus on s’enfonce dans les méandres du bidonville, sur des planches parfois renforcées par de simples cartons, plus la puanteur augmente. On croise aussi des quantités de chiens et chats errants.

Quand le ciel est nuageux, à marée basse, le paysage est digne d’une dystopie apocalyptique.

placeholder

Et les rêves de Luciléia Siqueira de Santos, 39 ans, se résument aux choses les plus simples: “de la nourriture dans les assiettes, de l’éducation et des logements dignes”.

Mais elle ne compte absolument pas sur le gouvernement du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, qu’elle qualifie de “génocidaire” en raison de sa gestion chaotique de la crise du coronavirus et de ses impacts socio-économiques.

La pandémie n’a fait qu’aggraver une situation déjà très critique à Dique da Vila Gilda, où un grand nombre d’habitants se sont retrouvés au chômage. Pratiquement personne ne porte de masque dans cette favela très densément peuplée.

– “A la merci de Dieu” –

Juliana da Silva Barbosa, 35 ans, vit avec ses six enfants dans une mansarde de deux pièces.

placeholder

Cette mère célibataire a perdu son emploi pendant la crise du coronavirus et dépend de l’aide de proches pour survivre. Ses enfants se retrouvent désoeuvrés, sans internet pour les cours à distance et sans aucun espace de loisirs.

“Les hommes politiques ne passent ici qu’au moment des élections”, déplore-t-elle. “Ici, les ambulances viennent seulement pour aller chercher les morts”, insiste Juliana, qui a été épargnée par le Covid-19, mais a attrapé le chikungunya.

Le dispensaire le plus proche est à dix minutes en voiture, mais le bidonville sur pilotis est très difficile d’accès dès qu’on s’écarte de la rue principale, avec un labyrinthe de passerelles de bois précaires.

placeholder

“L’assistante sociale qui venait ici est morte du Covid-19”, raconte Julio Silva, 39 ans, qui s’est aussi retrouvé au chômage en pleine crise sanitaire.

Certains tentent de pêcher à marée basse pour remplir leurs assiettes. Giovani Ferreira, 36 ans, garde le sourire même si son filet est vide quand il le remonte à la surface. “La marée nous apporte toujours quelque chose”, dit-il, tout heureux d’avoir pêché deux poissons plus tôt dans la journée.

Luciléia Siqueira de Santos, elle, est plus fataliste: “Ici, on est à la merci de Dieu”.