Une vraie-fausse démission. Lundi, Gérard Collomb a remis sa démission à Emmanuel Macron, qui l’a aussitôt refusée. Le ministre de l’Intérieur a annoncé il y a quelques jours son intention de quitter le gouvernement après les élections européennes pour briguer à nouveau la mairie de Lyon aux élections municipales. Cette décision lui a valu les foudres de l’opposition, qui estime que le ministre est désormais fragilisé à son poste.

> “Refuser sa démission à Collomb, c’est le renommer, le légitimer”

“C’est une manoeuvre politique concertée. L’opposition a su trouver l’angle d’attaque sur Collomb: non pas sa décision de retourner à Lyon pour les municipales, mais plutôt le fait qu’on ne peut pas garder à Beauvau un ministre qui a programmé son départ, parce qu’il perd toute autorité sur la maison et ne pourra pas se faire obéir. Or ce n’est pas possible de ne pas être obéi, alors qu’il y a des dossiers comme le terrorisme, comme la relation avec l’homologue italien Matteo Salvini, le dossier sur les migrants, etc. Il faut un ministre fort. Donc lui refuser la démission c’est comme le renommer, le légitimer. Cela montre qu’il y avait un problème, ça montre qu’on l’a réglé, qu’on l’a revissé.

Cela dit deux choses: la fragilité de Gérard Collomb qui s’est jamais vu en haut de l’affiche et s’est retrouvé à la tête d’un ministère puissant, tendu, éprouvant, où on vous réveille au milieu de la nuit. En un an il en a éprouvé les limites, celles de sa résistance personnelle.

Cela dit aussi que le lien entre Emmanuel Macron et lui s’est distendu. On a eu l’épisode de ‘tonton Gérard’, indispensable à son filleul, le premier qui a aidé et poussé Emmanuel Macron. Mais depuis l’affaire Benalla, il y a une distance entre eux. On s’est rendu compte pendant l’affaire Benalla que Gérard Collomb était ministre mais que les dossiers étaient quand même pilotés de près ou de loin par l’Elysée. Cela a distendu leurs liens.

Le faire, mais surtout le faire savoir: il y  a de la communication là-dessous. Parce que l’Elysée veut garder le contrôle sur le calendrier de l’épisode suivant, c’est-à-dire la succession de Gérard Collomb. Déjà ça se bouscule: on nous parle de Gérald Darmanin qui passerait de Bercy à Beauvau, ou d’un éventuel duo que formerait Darmanin avec un grand flic, le sarkozyste Péchenard. On nous parle aussi de Denis Favier, plutôt vallsiste.”

> “La décision de Gérard Collomb était un mauvais timing”

“Même si les noms de successeurs possibles de Gérard Collomb circulent depuis des semaines – on parle de Christophe Castaner, Gérald Darmanin ou encore Frédéric Péchenard –  après le départ de Laura Flessel et Nicolas Hulot, cela ferait mauvais genre d’avoir un remaniement dont le président n’aurait pas géré le timing lui-même. D’autant qu’il est question d’un remaniement dans la perspective des européennes, ou alors après puisqu’on a fixé les règles pour ceux qui veulent se présenter aux municipales. 

La décision de Gérard Collomb d’annoncer tout de suite une démission qui n’arrivera qu’à l’été prochain était un mauvais timing. Il y a deux façons de raconter sa décision. La première: Collomb est un homme d’Etat, il entend les critiques et sait qu’elles le fragilisent lui et le chef de l’Etat, mais aussi la majorité. Il donne sa démission, le chef de l’Etat la refuse et renouvelle confiance.

L’autre façon, c’est de dire que c’est une opération bien concertée parce qu’il faut redonner de la légitimité à Gérard Collomb et faire cesser les attaques de l’opposition. Donc cette fausse démission peut être la solution. Et quand ça intervient à la veille d’une opération de police prouvant que le ministre est au travail, ça ressemble à un scénario bien organisé. Il n’empêche que à cause de cette annonce, Collomb reste fragilisé et ses liens avec Emmanuel Macron se sont sans doute distendus.”