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En Espagne, des maisons de retraite décimées ou épargnées par le virus

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En Espagne, des maisons de retraite décimées ou épargnées par le virus

Quelles erreurs ont conduit à tant de morts dans les maisons de retraite ? L’Espagne commence à enquêter sur les drames à huis clos où des milliers de décès sont attribués au coronavirus.

Quant aux résidences n’ayant pas déploré de morts, elles font valoir leurs bonnes pratiques, comme ce centre dont la moitié du personnel est restée enfermée près d’un mois avec les résidents.

– Enquêtes dans 86 résidences –

Le parquet a ouvert des enquêtes au pénal visant 86 maisons de retraite, dont 40 dans la région de Madrid, sur la base de plaintes déposées par des familles ou des salariés.

Si au moins 1.054 résidents ont succombé au coronavirus entre le 8 mars et le 17 avril dans les maisons de retraite de la zone, 5.688 autres décès sont “attribuables” au virus, selon la région.

“Nous avons tous commis des erreurs”, a admis le responsable régional des Politiques sociales, Alberto Reyero, reconnaissant que les établissements n’étaient pas “suffisamment préparés”. L’élu a pointé la difficulté à isoler les résidents, le manque d’équipements de protection individuels pour les personnels, le retard dans l’obtention de tests de diagnostic…

Dans la ville d’Alcorcon, près de Madrid, au moins 116 personnes sont décédées dans quatre résidences.

Vingt établissements sont visés par des enquêtes en Catalogne, la deuxième région la plus touchée, où 2.621 décès en maisons de retraite sont présentés comme des cas de coronavirus confirmés ou présumés.

– Défection du personnel –

Directrice d’un groupe familial comptant sept maisons de retraite privées en Espagne, Beatriz de Villamor Pimentel, dit avoir vécu “une situation de grande impuissance et tristesse”.

“Fin février, nous avons anticipé l’achat de masques et matériel de protection pour tous les professionnels et renforcé les effectifs”, affirme la dirigeante de 29 ans.

Hélas, ce virus inconnu s’est infiltré dans trois des sept résidences. Dans l’une, dix résidents sont morts, parmi lesquels deux “cas confirmés de coronavirus”.

Les centres, plaide-t-elle, étaient dotés “d’une équipe médicale et d’un personnel de santé professionnel et de grande valeur humaine”.

Mais dans la résidence madrilène “qui accueillait 55 résidents et comptait 25 travailleurs”, douze employés ont cessé le travail, contaminés ou craignant de l’être, “et il était presque impossible de trouver des remplaçants”, dit-elle.

Les hôpitaux étant débordés, “il n’a pas été possible de transférer de nombreux résidents aux urgences des hôpitaux et nous avons dû nous transformer en centres médicalisés, sans les moyens adéquats pour gérer cette crise”.

– Réagir vite –

La résidence Las Praderas à Pozuelo de Alarcon, dans la banlieue aisée de Madrid, a été épargnée par les décès de coronavirus.

Chaque matin, un agent pulvérise un produit désinfectant dans les moindres recoins.

Dès la première semaine de l’état d’alerte décrété le 14 mars, les 90 résidents ont été confinés, chacun dans sa chambre et le personnel se protégeait de la tête aux pieds avant d’y entrer.

Dans l’établissement qui emploie deux médecins et deux infirmières, le directeur, Daniel Agha Rodriguez, 35 ans, consulte quotidiennement les relevés de température des résidents. “Cela nous permet de réagir très vite”.

“Quand une personne âgée commence à se sentir mal”, elle est aussitôt placée à l’isolement 14 jours, voire envoyée à l’hôpital.

Cinq résidents sont décédés depuis le 8 mars, mais de pathologies préexistantes et non de coronavirus, assure-t-il. Une fois les tests pratiqués, seuls trois des 90 résidents se sont révélés contaminés.

– Personnel enfermé avec résidents –

D’autres maisons de retraite se sont protégées du virus en enfermant leur personnel avec les résidents.

Le Centre gériatrique de Lerida, en Catalogne, a été le premier à le faire, dès le 13 mars.

“Nous pouvions être porteurs, nos usagers étaient la population la plus vulnérable, nous ne pouvions pas acheter des masques ni des gels hydroalcooliques”, se souvient sa directrice, Carol Mitjana.

“Alors nous avons vu que la seule façon d’arrêter le Covid-19 à nos portes c’était de rester à l’intérieur”, explique cette dirigeante de 35 ans, qui y a “passé 28 jours avec la moitié du personnel, soit 22 personnes, pour 89 résidents”.

Une fois que le centre a pu obtenir équipements de protection et tests, il a recommencé à fonctionner presque normalement, le 9 avril, mais en augmentant nettement son personnel et en appliquant des protocoles stricts.

“Nous sommes très contents de continuer à être un centre Zéro Covid”, dit la directrice.

“Il y a cependant une part de chance”, admet-elle. Il aurait suffi qu’un seul membre du personnel ait été contaminé à l’extérieur avant que ne soit donnée l’alerte, dit-elle, et “tout aurait été plus compliqué”.

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