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En Russie, la théorie du sabotage contre Moscou a le vent en poupe

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En Russie, la théorie du sabotage contre Moscou a le vent en poupe

Une opération de sabotage contre la présidentielle ou le Mondial-2018 de foot… Nombre de Russes ont leur théorie pour expliquer l’empoisonnement d’un ex-agent double en Angleterre, encouragés par les médias officiels voire des responsables politiques.

Moscou, responsable de l’attaque à l’agent innervant contre Sergueï Skripal et sa fille Ioulia? Lioubov Tarassenko, une retraitée de 69 ans rencontrée dans les rues de Moscou, n’y croit pas: “La Russie est toujours désignée coupable de tout”, soupire-t-elle.

De nombreux habitants de la capitale russe n’ont pas suivi cette affaire, faute de s’intéresser à l’actualité, peut être lassés de la litanie des accusations et reproches quotidiens entre Moscou et les Occidentaux que les médias relatent quotidiennement ces dernières années. Mais ceux qui sont au courant sont persuadés: la Russie n’est pas coupable, mais victime.

“Les services secrets britanniques sont derrière l’empoisonnement, vu la façon idéale dont il a été organisé, à l’aide d’une substance de provenance russe présumée”, tranche Vladislav Diatlov, un juriste de 46 ans.

Pour lui, l’objectif est d'”influencer le résultat de la présidentielle russe” de dimanche, qui devrait permettre à Vladimir Poutine de remporter haut la main un nouveau mandat de six ans. “Or, nous voulons élire nous-mêmes notre président”, ajoute-t-il fermement.

“La Russie n’y est pour rien”, confirme Andreï Chichkanov, un médecin de 49 ans qui a “l’impression que cette affaire a été organisée exprès pour nuire à l’élection ou au Mondial” de football.

Sergueï Skripal et sa fille, Ioulia, ont été retrouvés inconscients le 4 mars sur un banc de Salisbury, une ville du sud-ouest de l’Angleterre, victimes d’un puissant agent innervant et hospitalisés depuis dans un état critique. La Première ministre britannique Theresa May a estimé “très probable que la Russie” soit responsable de leur empoisonnement.

Dès le 7 mars, le lendemain de l’officialisation du nom des victimes, le présentateur du journal du soir de la première chaîne russe Pervyi Kanal, Kirill Kleïmenov, ironisait sur “le métier de traître, l’un des plus dangereux au monde”.

“Alcool, drogue, stress, dépression sont des maux inévitables liées à la profession de traître et qui peuvent provoquer infarctus, hémorragie cérébrale, accident de la route ou même suicide”, ajoutait-il. “N’optez jamais pour l’Angleterre comme pays de résidence si vous êtes un traître professionnel à votre patrie.”

– ‘Tombe trop bien’ –

Plusieurs personnalités russes sont décédées dans des circonstances suspectes ces dernières années au Royaume-Uni, notamment le transfuge du FSB Alexandre Litvinenko, empoisonné au polonium-210.

Dimanche, le journal télévisé du soir renchérissait: l’ex-agent double n’était qu’un “matériel usé” qui “n’intéressait plus personne”. “Le climat britannique est-il néfaste pour les transfuges?”, s’interrogeait son présentateur.

La chaîne évoquait ensuite une éventuelle implication des services secrets britanniques, notamment parce que l’empoisonnement a eu lieu “tout près du centre militaire britannique de Porton Down, qui menait des recherches sur le produit” utilisé.

“Cet empoisonnement tombe trop bien: quelques jours avant l’élection présidentielle russe”, dimanche 18 mars, soulignait une autre chaîne russe, NTV, dans son journal du soir. Des ex-espions vivent partout dans le monde et “ce n’est qu’en Grande Bretagne qu’ils sont empoisonnés”, ironisait le présentateur de NTV.

Cette théorie a été relayée par le très influent président de la Chambre basse du Parlement, Viatcheslav Volodine. Il a dénoncé une “action planifiée qui constitue une forme d’ingérence dans la campagne” pour la présidentielle du 18 mars. “La Grande-Bretagne et ses autorités sont responsables”, a-t-il accusé.

Réputé très proche du Kremlin, le commentateur vedette de la chaîne publique Vesti, Dmitri Kisselev, suggérait un autre objectif des auteurs de l’attaque: gâcher la Coupe du monde de football organisée par la Russie cet été.

“Pourquoi ne pas empoisonner Skripal et s’en servir après pour organiser un boycott de la Coupe du monde”, a-t-il lancé dans sa très populaire émission du dimanche soir.

Les télévisions ne sont pas les seules à douter. Le journal populaire Moskovski Komsomolets s’interroge sur une possible “opération des agents secrets britanniques”. Sur la radio Business FM, l’analyste Guéorgui Bovt, aux opinions généralement équilibrées, assure lui qu’en “l’absence de preuves” de l’implication russe, “Moscou a le droit moral de rompre ses relations diplomatiques” avec Londres.

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