Home Pure Info Entre les Américains et leurs armes, c’est compliqué

Entre les Américains et leurs armes, c’est compliqué

0
Entre les Américains et leurs armes, c’est compliqué

Des mousquets aux fusils automatiques, les Américains ont une relation aux armes à feu aussi ancienne que le pays, et sans doute aussi compliquée que lui.

Les Etats-Unis sont nés dans le sang de la révolution contre les Britanniques, ont survécu à une traumatisante guerre de Sécession, et ont commis des massacres de populations autochtones. C’est aussi un pays fier de ses héros du Far West.

Les armes sont au coeur de toute cette histoire.

“Nous ne sommes pas les seuls au monde à aimer les armes à feu, mais les Américains ont une véritable fascination”, dit à l’AFP Adam Winkler, auteur d’un livre sur l’histoire du droit de détenir une arme aux Etats-Unis (“Gunfight: The Battle Over the Right to Bear Arms in America”).

“C’est probablement fondé en partie sur le fait que nous idéalisons notre fondation par des révolutionnaires armés qui ont décidé de se battre contre un gouvernement tyrannique”, ajoute Adam Winkler, également professeur de droit constitutionnel à l’université de Californie Los Angeles. “Notre identité est également très liée” à la conquête de l’Ouest, “lorsqu’il y avait une vraie culture des armes”.

“Les armes ont une place plus ou moins centrale dans la mythologie nationale”, approuve A.J. Somerset, qui a analysé dans un livre cet attachement (“Arms: The Culture and Credo of the Gun”).

L’indépendance a ancré le fusil au coeur de cette mythologie, mais selon A.J. Somerset, ce n’est que plusieurs décennies après la révolution des années 1775-1783 que les armes à feu sont devenues un symbole national.

– ‘L’arme était un outil’ –

“Au milieu du 19e siècle, il y a une succession d’innovations qui ont donné naissance au revolver Colt, aux armes à chargement par la culasse, qui à son tour donnèrent le fusil à répétition, la Winchester, etc.”, dit l’auteur.

“Cette révolution technologique coïncide avec la grande période d’expansion vers l’Ouest”, explique-t-il. “C’est à ce moment que le pays commence vraiment à mythifier l’arme à feu”.

Aujourd’hui, il y a plus de 300 millions d’armes à feu aux Etats-Unis. Elles causent 30.000 morts par an, dont environ deux-tiers de suicides.

Ces armes, si elles représentent environ une par Américain, sont en fait concentrées dans une partie de la population. Seuls quatre Américains sur dix vivent dans un foyer où une personne en possède une, selon une étude de juin par le Pew Research Center. Pour 67% des propriétaires, l’autodéfense est une raison principale.

Pour beaucoup d’entre eux, posséder une arme relève d’un droit constitutionnel découlant du deuxième amendement à la Constitution américaine, qui énonce: “Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un Etat libre, il ne pourra être porté atteinte au droit du peuple de détenir et de porter des armes”.

Mais à l’époque, “une arme était un outil”, dit David Courtwright, professeur d’histoire à l’université de Floride du Nord. “Les cowboys sortaient leur fusil pour tirer sur un serpent à sonnettes”.

“Rares étaient les foyers du Far West qui n’avaient pas d’arme. Certains pensent qu’on vit encore sous l’influence de cet héritage”, dit l’expert.

– Peur de la criminalité –

Si les westerns ont idéalisé le six-coups et le cowboy qui tire plus vite que son ombre, le professeur Courtwright et d’autres estiment que c’est la peur d’une vague de criminalité à partir de la fin des années 1960 qui a joué un rôle déterminant.

“Il est difficile de se remémorer la place centrale qu’occupaient la délinquance et les questions pénales dans les années 1970”, dit Adam Winkler. “New York était au bord de la faillite, des villes comme Washington étaient très dégradées, et la délinquance explosait”.

Exploitant la peur ambiante, le lobby des armes, incarné par la National Rifle Association (NRA), a érigé la possession d’une arme pour se défendre au rang d’urgence nationale, explique l’expert.

Cette idée s’inscrivait en plus dans la vision idéalisée du citoyen américain.

“C’est ce qu’est censé faire un individu autonome et intègre”, dit-il. “Il se protège, lui et sa famille, sans reculer devant personne”.”L’idée s’est développée comme un feu de paille, transformant le mouvement pro-armes à feu en véritable force politique”, conclut Adam Winkler.

Mais, a fortiori avec la multiplication des fusillades de masse, dont la plus meurtrière à Las Vegas (58 morts), le sujet reste très conflictuel et politisé, opposant républicains et démocrates.

Plus de quatre républicains sur dix (44%) possèdent une arme à feu, selon l’étude Pew, contre seulement 20% des démocrates. Ce qui recouvre partiellement la géographie politique américaine, les démocrates se regroupant dans les villes tandis que les campagnes sont plus conservatrices.

La possession d’une arme est devenue “un symbole très fort d’identification partisane”, dit le professeur David Courtwright.

“Les armes représentent la liberté” pour certains, ajoute l’auteur A.J. Somerset. “Elles font vibrer leur identité personnelle et leur sentiment d’être des citoyens américains responsables et épris de liberté. C’est pour cela qu’ils rechignent à abandonner ce symbole”.

© 2017 AFP. Tous droits de reproduction et de représentation réservés. Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l’AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l’accord préalable écrit de l’AFP.