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Evacuation sans heurt d’un fief alternatif de Berlin, colère contre les logements chers

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Evacuation sans heurt d’un fief alternatif de Berlin, colère contre les logements chers

La guerre des toits n’a pas eu lieu: l’évacuation d’un immeuble berlinois, l’un des derniers vestiges libertaires de la capitale, s’est déroulée vendredi sans heurt, malgré la colère des habitants qui se disent démunis contre la flambée des loyers.

La quarantaine de locataires encore barricadés dans cet espace militant de l’est de la ville a quitté les lieux dans un calme relatif, loin des combats de rue redoutés par les autorités qui ont connu dans les années 1990 des expulsions houleuses, où policiers et autonomes s’affrontaient parfois durant des jours.

Quelque 1.500 policiers étaient mobilisés depuis l’aube, certains cagoulés et postés sur les toits du bâtiment et des alentours, aidés d’engins lanceur d’eau, sous la supervision d’un hélicoptère. Le quartier de Friedrichshain, où se trouve l’immeuble “Liebig34”, était bouclé depuis plusieurs jours.

Les forces de l’ordre ont sorti les militants un à un, ont constaté des journalistes de l’AFP, sous les huées de quelques centaines de manifestants. Ils étaient venus témoigner leur soutien à ce lieu symbole du Berlin “pauvre mais sexy”, slogan des années 2000 forgé pour la capitale européenne des cultures alternatives.

“Laissez les logements à ceux qui en ont besoin!”, “tous ensemble contre l’évacuation” ou encore “ce n’est pas parce que c’est légal que c’est légitime”, pouvait-on entendre dans la foule.

“C’est un symbole de la diversité de cette ville qui ne devrait pas appartenir seulement aux riches. Berlin se meurt”, ne décolère pas Anna Maï, sifflet à la main devant l’imposant cordon policier.

– “Ils deviennent SDF” –

Cet espace “anarcho-queer-féministe”, à la façade couverte de graffitis et de banderoles, offrait depuis 1999 un refuge à une quarantaine de femmes, personnes trans et intersexes. Un bar et un centre culturel autogérés permettaient au collectif de récolter une partie des montants nécessaires pour acquitter le loyer de cet ex-squat.

Après la chute du mur, des pâtés de maisons entiers, laissés à l’abandon à l’est de la capitale, ont été investis par des étudiants, jeunes créatifs, artistes ou des militants venus de Berlin-Ouest. Certaines occupations ont ensuite été légalisées.

Sous la pression immobilière, nombre de ces repaires alternatifs ont disparu ces dernières années, ravissant à Berlin une partie de son identité bohème et branchée.

C’est un investisseur controversé, Gijora Padovicz, déjà propriétaire de plusieurs centaines de logements berlinois, qui n’a pas renouvelé fin 2018 le bail de 10 ans accordé à “Liebig34”. L’homme d’affaires est souvent accusé de laisser ses biens se dégrader pour mieux les récupérer et augmenter ensuite les loyers.

Face au refus des habitants de quitter leur logement, l’investisseur a intenté un procès, remporté en 2019.

Les locataires, qui ne payaient plus leur loyer depuis la fin du bail, s’attendaient à leur expulsion.

“Cela va à l’encontre des droits de l’Homme de jeter ainsi à la rue, en pleine pandémie, des gens qui ne pourront pas se payer un loyer. Ils deviennent SDF”, s’émeut auprès de l’AFP Moritz Heusinger, avocat du collectif “Liebig34”.

– Gentrification –

Les sympathisants du collectif, qui ont organisé de nombreuses manifestations de soutien ces derniers mois et ne comptent pas s’arrêter, rappellent l’enjeu véritable de la bataille : la lutte contre la flambée des loyers.

“Face à la gentrification accélérée des métropoles européennes, ce lieu offrait la possibilité à certains de se loger à moindre frais”, explique Sabine Pöll, membre d’une association de locataires contre les loyers chers.

Car cette maison d’angle de quelque 1.300 m² est située dans un endroit résidentiel de premier choix où les prix de l’immobilier ont beaucoup augmenté.

Les loyers ont doublé en dix ans à Berlin, métropole de quatre millions d’habitants où, malgré la très grande superficie et la frénésie de construction, le manque de logements accessibles devient criant.

Pour y faire face, la municipalité a instauré en 2020 une nouvelle loi visant à geler et encadrer des loyers pendant cinq ans dans le parc privé. Mais plusieurs recours juridiques, toujours en cours, empêchent son application définitive.

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