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Ferveur citoyenne au Liban, dans l’espoir d’une “nouvelle indépendance”

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Ferveur citoyenne au Liban, dans l’espoir d’une “nouvelle indépendance”

Les Libanais ont marqué vendredi dans la ferveur citoyenne le 76e anniversaire de la République, plus d’un mois après le début de leur mouvement de contestation inédit contre la classe dirigeante, avec l’espoir d’une “nouvelle indépendance” pour leur pays.

Partis de divers endroits de la capitale et de sa banlieue, de nombreuses “parades civiles” ont convergé, drapeaux libanais au vent, vers la place des Martyrs dans le centre-ville, haut lieu de la contestation, où la foule a commencé à s’agglutiner par milliers.

Sur place, des manifestants ont installé des barricades des deux côtés de la route pour réserver une haie d’honneur à ces délégations -parfois regroupées par corps de métiers-, dans une marée de drapeaux, d’étendards et de chants.

“Le message important aujourd’hui, c’est que le Liban est de nouveau uni”, a dit une jeune manifestante, Jilnar Moukhayber. “La parade civile est là pour signifier que tous les citoyens sont les bienvenus.”

Depuis le 17 octobre, le pays vit au rythme d’une protestation sans précédent contre l’ensemble des dirigeants politiques, jugés incompétents et corrompus. Il a insufflé chez des centaines de milliers de Libanais, de tous bords, le désir d’un chamboulement du système de gouvernance.

“C’est la première fois que les Libanais, toutes communautés confondues, manifestent massivement sans l’appel d’aucun parti”, a affirmé à l’AFP Tamara, étudiante de 21 ans. “C’est ça la vraie indépendance!”.

Le 22 novembre 1943, le Liban, sous mandat français, a accédé à l’indépendance après des manifestations populaires ayant rassemblé chrétiens et musulmans. Le pays a ensuite connu une guerre civile (1975-1990), puis deux occupations étrangères, israélienne et syrienne. Et il est resté profondément divisé, confessionnellement et politiquement.

Mais, cette année, sur la place des Martyrs, Wajed, 26 ans, s’est préparé à célébrer une indépendance au goût différent. “Nous voulons prendre notre indépendance des corrompus qui nous gouvernent!”.

“Quand les Français sont partis, d’autres nous ont occupés”, a-t-il dit en référence aux partis au pouvoir, conspués sans exception.

– “Victoire” de plus –

Contestation oblige, le défilé officiel militaire organisé chaque année sur le front de mer s’est mué en modeste parade dans l’enceinte même du ministère de la Défense, en présence du président Michel Aoun et du Premier ministre démissionnaire Saad Hariri. Et la cérémonie protocolaire au palais présidentiel a été annulée.

Pour Wajed, il s’agit d’une “victoire” de plus pour un mouvement qui a déjà entraîné la démission du gouvernement Hariri, le 29 octobre, et empêché l’examen au Parlement d’une loi d’amnistie controversée.

Mais aucune issue au bras de fer avec le pouvoir n’est en vue, et la crise économique est aiguë.

Si le mouvement est resté pacifique jusque-là et la réponse des autorités mesurée, deux personnes sont mortes en marge des manifestations.

Mais la détermination ne faiblit pas, et les appels ont fusé sur les réseaux sociaux pour organiser les “défilés civils”.

“Il y a plein de marches, mais celle-là, c’est la plus folle! J’espère que ce jour d’indépendance 2019 sera un tournant”, a commenté Leïla, la cinquantaine, timbales en mains, en participant à un défilé se rendant de Hamra au centre-ville.

“Jusque-là, on avait les pieds de nos politiciens sur nos têtes. Nos poches sont toujours vides, mais on a retrouvé une dignité.”

Symbole de la ferveur citoyenne, dans la vallée de Bisri, au sud-est de Beyrouth, des centaines de personnes ont manifesté contre un projet de barrage, dans cette région verdoyante aux nombreux trésors architecturaux.

– La diaspora mobilisée –

Cierges, lampes de téléphones portables ou briquets: les manifestants ont été appelés à faire jaillir la “lumière de l’indépendance” après la tombée de la nuit.

Dans son histoire moderne, le pays a connu d’autres mouvements populaires, comme celui en 2005 après l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri imputé au régime syrien, et qui avait abouti au départ des troupes syriennes.

Mais les rassemblements se tenaient à l’appel des partis, composante d’une gouvernance désormais décriée.

Non loin de l’imposante mosquée Al-Amine, dans le centre-ville, Youssef el-Gherez a érigé avec d’autres des tentes où se déroulent débats et séances de yoga.

“Les gens veulent changer les choses jusqu’aux racines”, résume-t-il.

Galvanisés, de nombreux expatriés ont décidé de rentrer au pays. Ils étaient des centaines, de tous les continents, à devoir converger en fin d’après-midi de l’aéroport vers la place des Martyrs.

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