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Génocide rwandais: l’heure du verdict pour deux ex-maires, condamnés à la perpétuité en 2016

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Génocide rwandais: l’heure du verdict pour deux ex-maires, condamnés à la perpétuité en 2016

Des “artisans de la mort” ou des hommes “impuissants”? Après huit semaines de débat, la cour d’assises de Paris doit dire vendredi si deux anciens bourgmestres rwandais, condamnés à la perpétuité en 2016, ont participé au génocide des Tutsi dans leur village en 1994.

C’est la deuxième fois que la justice française, qui a jugé ces hommes en vertu de sa compétence universelle pour les crimes les plus graves, se prononce dans un dossier lié au génocide rwandais, après la condamnation de l’ancien capitaine de l’armée Pascal Simbikamgwa à 25 ans de réclusion criminelle.

Le parquet général a désigné Octavien Ngenzi, 60 ans, et Tito Barahira, 67 ans, comme des rouages essentiels du génocide dans leur commune de Kabarondo. Une période de sûreté des deux tiers a été demandée pour Ngenzi, bourgmestre en exercice en 1994 et à ce titre “responsable de tous les morts de la commune”.

Les deux hommes se sont succédé à la tête de la commune de 1976 à 94 et sont en détention respectivement depuis 8 et 5 ans. Ils ont toujours nié leur implication dans les tueries à Kabarondo, où le pire des massacres eut lieu le 13 avril à l’église. Près de 2.000 morts, selon l’abbé, pilonnés au mortier, puis découpés à la machette, pendant près de sept heures.

“J’étais le bourgmestre et je n’ai pas fait assez”, mais “jamais je n’ai tué ni commandé à un autre de tuer. Jamais je n’ai organisé un massacre”, a déclaré Octavien Ngenzi à la cour, avant qu’elle ne se retire dans la matinée pour délibérer. Le verdict est attendu dans la soirée.

“J’ai de la tristesse pour les victimes. Dans ces événements abominables, je suis innocent. Je n’ai pas tué, je n’ai pas +trié+ les Tutsi”, a plaidé un Tito Barahira affaibli par la maladie, sous dialyse depuis des années.

Echapperont-ils à la prison à vie? C’est l’enjeu majeur de ce second procès, 24 ans après les faits. Comme en 2016, les débats ont été filmés pour l’histoire, des dizaines de témoins ont été entendus, venus du Rwanda ou en visioconférence.

– “Récit collectif” –

“Impuissants”, “sans courage”: la défense a dépeint des notables “sans autorité”, pris dans la tourmente des tueries d’avril 1994 que nul n’a su arrêter au Rwanda et qui firent plus de 800.000 morts en cent jours, selon l’ONU. Des hommes qui ne sont “pas des héros”, mais “pas des criminels pour autant”.

Au contraire, l’accusation a décrit deux hommes ayant “accumulé des privilèges et du patrimoine” et qui sont “allés jusqu’au bout de la logique génocidaire” pour conserver leurs avantages. Un Ngenzi qui a gardé sa “pleine autorité”, louvoyé comme “une anguille” et fini par “diriger” les tueurs; un Barahira toujours “craint”, qui “harangue les tueurs”, auxquels il se mêle volontiers.

Plus de deux mois de débats ont donné à voir un génocide entre voisins, sur les collines où les habitants participaient autrefois ensemble aux travaux communautaires. Comme ailleurs au Rwanda, où les tueries débutent peu après l’attentat contre le président hutu Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, massacres et exécutions sommaires s’enchaînent à Kabarondo.

Pour l’avocate générale Aurélie Belliot, “Octavien Ngenzi explique qu’il fait tout ce qui est en son pouvoir pour protéger ses administrés. Il n’en est rien. Ses interventions ont largement contribué à la dynamique génocidaire”.

Quant à Barahira, plusieurs témoins l’accusent d’avoir participé, armé d’une lance, au tri des réfugiés survivants de l’église, où tous les Tutsis furent achevés.

“Ils nous ont tués”, a dit une rescapée, désignant les bourgmestres. Mais “elle ne les a pas vus!”, a tonné la défense, affirmant que les chefs du village étaient apparus comme les “responsables” du malheur dans “le récit collectif” construit depuis deux décennies et entretenu par le pouvoir rwandais.

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