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Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, les faux jumeaux du nationalisme corse

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Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, les faux jumeaux du nationalisme corse

D’un côté, un grand sportif au contact facile, partisan d’une autonomie renforcée pour la Corse, de l’autre un homme plus discret, à l’allure de professeur, insatiable défenseur de l’indépendance: appelés à diriger la nouvelle super-région Corse, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni brillent par leurs différences.

Avocats à Bastia, âgés respectivement de 50 et 57 ans, ils incarnent deux branches bien distinctes du nationalisme sur l’Île de Beauté.

Le premier condamne la violence depuis ses années étudiantes quand le second ne l’a jamais fait: même pour l’assassinat du préfet Erignac, il dira “condamner l’acte mais pas les auteurs”. Gilles Simeoni ne voit pas l’indépendance “comme une solution” quand son compère en rêve, peut-être dans une décennie, “si les Corses le veulent”.

Malgré ces différences, ils ont su faire cause et liste communes, pour la première fois en décembre 2015, au second tour des élections territoriales. Leur alliance leur avait alors donné les clés des institutions corses. Pour la seconde fois en décembre 2017, pour les élections devant mener à l’instauration d’une nouvelle Collectivité territoriale unique (CTU). Résultat: un raz-de-marée de 56,5% au second tour le 10 décembre, qui les assure de rempiler à leurs postes mardi lors de l’installation officielle de la CTU.

“Mon père ne m’a pas fait d’autre legs que son engagement pour la Corse”, aime à rappeler le fils d’Edmond Simeoni, 83 ans, figure emblématique du mouvement nationaliste depuis la fin des années 1960. Chez les Talamoni, on était d’ailleurs sympathisants de l’Action pour la renaissance de la Corse (ARC) fondée par Edmond Simeoni.

Gilles Simeoni, né le 20 avril 1967 à Bastia, a huit ans quand, le 21 août 1975, une cinquantaine d’agriculteurs menés par son père occupent une ferme viticole d’Aléria pour dénoncer des malversations et l’attribution par l’Etat de terres viticoles aux rapatriés d’Algérie. Quelque 1.500 gardes mobiles donnent l’assaut, deux membres des forces de l’ordre meurent, un militant de l’ARC est gravement blessé.

Edmond Simeoni est condamné à cinq ans de prison et aujourd’hui encore Gilles Simeoni ne manque pas d’évoquer ses “visites au parloir de la prison de la Santé” à Paris.

– guerre fratricide –

A cette époque, Jean-Guy Talamoni adhère à l’Union des lycéens corses. Fils d’instituteur, né le 6 mai 1960 à Saumur (Maine-et-Loire), il milite ensuite au sein du mouvement national durant ses études de droit à Aix-en-Provence, puis prête serment à Bastia en 1988. Il plaidera notamment devant la cour d’assises spéciale chargée de juger les nationalistes corses.

Gilles Simeoni étudie également le droit et les sciences politiques à Aix et Corte, avant de devenir avocat et de défendre, notamment, Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac.

Tout au long de son parcours, Gilles Simeoni se prononce contre la violence politique et pour la démocratie, vivant difficilement la guerre fratricide entre factions nationalistes dans les années 1990.

Cette guerre, Jean-Guy Talamoni la vit directement, sous protection, en changeant de lieu d’hébergement constamment. En 1992, il est élu à l’Assemblée de Corse sur la liste indépendantiste Corsica Nazione, la coalition électorale d’A Cuncolta, vitrine légale du Front de libération nationale Corse (FLNC)-Canal historique.

Président du groupe, il négociera avec les gouvernements de droite comme de gauche et sera l’un des artisans du rapprochement entre nationalistes en 1999, qui met un terme à une lutte fratricide ayant fait plusieurs dizaines de morts. En juillet 2001, il échappe lui-même de peu à une tentative d’assassinat au colis piégé.

Pourfendeur du clientélisme et du clanisme, Gilles Simeoni, grand sportif (boxe, course en montagne, football), devient lui, en remportant la mairie de Bastia en avril 2014, le premier maire nationaliste d’une grande ville corse, quelques semaines avant que les clandestins du FLNC ne déposent les armes, en juin.

Si Gilles Simeoni, marié et père de deux garçons et d’une fille aime la fête, la mêlée avec les militants, Jean-Guy Talamoni, en couple et père d’une fille, préfère la discrétion et la compagnie des livres. Doté d’un profond sens de l’humour, l’indépendantiste est un auteur primé d’essais politiques et d’ouvrages sur la langue corse.

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