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“Hantés”, les Américains ont laissé en Afghanistan la majorité de leurs partenaires afghans

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“Hantés”, les Américains ont laissé en Afghanistan la majorité de leurs partenaires afghans
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Les Etats-Unis ont dû laisser en Afghanistan la majorité des Afghans qui ont travaillé pour eux et voulaient fuir, a estimé mercredi un responsable américain, décrivant des diplomates “hantés” par les choix qu’ils ont dû faire lors du pont aérien de Kaboul.

Semblant aussi se livrer à un début d’introspection, au terme d’une guerre de vingt ans qui s’est conclue par une gigantesque opération d’évacuation de 123.000 personnes dans le sauve-qui-peut général, le chef d’état-major de l’armée américaine a lui reconnu un sentiment de “douleur et de colère”.

Ces derniers jours ont été “extrêmement difficiles émotionnellement”, a lâché le général Mark Milley lors d’une conférence de presse.

“Nous sommes tous tiraillés entre douleur, colère, chagrin et tristesse d’un côté, et fierté et résilience de l’autre”, a-t-il ajouté, promettant de tirer les “leçons” de “cette expérience”.

L’évacuation, lancée le 14 août et qui s’est terminée lundi avec la fin du retrait des Etats-Unis, concernait les Américains et les autres étrangers, mais aussi les Afghans jugés “à risque” de représailles avec l’arrivée au pouvoir des talibans. A savoir ceux qui ont travaillé pendant des années avec les Américains, d’autres pays de l’Otan ou le gouvernement pro-occidental tombé face à la victoire des ex-insurgés islamistes.

– “Devoir moral” –

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Début août, la Maison Blanche avait rapporté qu’environ 20.000 Afghans ayant travaillé pour les Américains avaient demandé un visa spécial d’immigration pour être accueillis aux Etats-Unis, soit quelque 100.000 personnes avec les membres de leurs familles. Mais d’autres estimations plus élevées circulent, incluant des “Afghans à risque” qui n’entrent pas dans les critères pour ce visa spécial.

Combien d’entre eux n’ont pas pu être évacués? Le gouvernement de Joe Biden n’a pas été en mesure de le dire jusqu’ici.

“Je dirais que c’est la majorité d’entre eux, sur la base de témoignages concernant les personnes que nous avons pu soutenir”, a rapporté mercredi un haut responsable de la diplomatie américaine, en première ligne à l’aéroport de Kaboul ces deux dernières semaines. C’est-à-dire, avec leur famille immédiate, des dizaines de milliers de personnes.

Les témoignages d’Afghans coincés dans leur pays se multiplient.

Parmi eux, de nombreux membres du personnel de Radio Azadi, soutenue par les Etats-Unis, qui diffuse des programmes en dari et pachtou — soit des centaines de personnes en incluant leurs familles.

Jamie Fly, président de Radio Free Europe/Radio Liberty qui chapeaute ce service, a évoqué un “devoir moral” du gouvernement américain de “protéger les journalistes afghans”.

“C’est absolument honteux”, a protesté le député républicain Michael McCaul, jugeant que l’administration Biden n’avait pas tenu ses engagements à leur égard.

Dans un message publié par le Wall Street Journal, un ex-interprète afghan de l’armée américaine, bloqué à Kaboul, demande l’aide de Joe Biden qu’il avait aidé à secourir d’une tempête de neige en Afghanistan en 2008.

– Enfants séparés –

“Ne m’oubliez pas ici”, supplie Mohammed, qui ne donne pas son nom de famille, car il craint pour sa vie depuis le retour au pouvoir des talibans.

Washington a encore promis mercredi de tout faire pour aider ceux qui veulent partir.

“Tous ceux qui ont vécu” l’évacuation “sont hantés par les choix que nous avons dû faire, et par les gens que nous n’avons pas pu aider à partir”, a raconté le diplomate américain, sous couvert d’anonymat.

“Cela a impliqué des compromis et des choix vraiment douloureux”, “pour moi qui tentais de communiquer nos priorités”, “pour les agents consulaires américains qui, héroïquement, étaient aux points d’accès avec les Marines ou les militaires américains et de l’Otan pour tenter d’identifier les gens dans la foule, ou encore pour ceux qui sortaient et marchaient au milieu d’Afghans à la recherche de personnes tenant un passeport américain, une carte verte américaine”.

Ce responsable a décrit une situation “difficile”, avec des foules d’Afghans massés aux entrées de l’aéroport de Kaboul menaçant de “virer à l’émeute à tout moment”.

Une autre diplomate qui avait été dépêchée dans la capitale afghane a évoqué un grand nombre “d’enfants séparés” de leur famille dans la cohue, plus de 30 par jour, parfois des bébés.

Elle a notamment été frappée par un garçon de 13 ou 14 ans, “du sang sur ses vêtements”. “Il a dit que quelqu’un avait été tué devant lui, et toute sa famille avait été dispersée”, a-t-elle rapporté, assurant que les militaires américains s’étaient relayés pour jouer avec ces petits traumatisés.