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Homophobie: en Espagne, la tolérance s’arrête aux portes du stade

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Homophobie: en Espagne, la tolérance s’arrête aux portes du stade

Menaces de mort, loi du silence et insultes qui fusent : l’homophobie est omniprésente dans le football en Espagne, où aucun joueur n’ose «sortir du placard». Un paradoxe dans ce pays très tolérant qui accueille la WorldPride à Madrid jusqu’au 2 juillet.

«D’abord, ils ont refusé de se doucher avec moi». À l’adolescence, José Manuel Garoz a été mis à l’écart de son équipe lorsque ses coéquipiers ont appris son homosexualité via les réseaux sociaux.

«Ils me provoquaient en permanence et on s’est disputés. On en est venus aux mains et le président a décidé de me mettre dehors», se souvient cet Andalou aujourd’hui âgé de 22 ans, au bord du terrain synthétique où il s’entraîne désormais avec un club «gay-friendly» de Madrid, GMadrid Sports.

Dans le troisième pays au monde à avoir autorisé le mariage des homosexuels, en 2005, l’ouverture aux LGBT (lesbiennes, gais, bi et trans) reste un tabou dans le football professionnel.

«Avec environ 8 % de la population gaie et lesbienne, c’est totalement anormal qu’il n’y ait aucun joueur ouvertement gai», affirme Paco Ramirez, président de l’Observatoire espagnol contre l’homophobie. Il explique cet état de fait par «la peur que cela porte atteinte à leur carrière».

«Pour un joueur qui oserait faire son coming-out dans ces conditions, il n’y a aucune assurance que les commanditaires ne le lâcheraient pas», souligne Julien Pontes, du collectif français Rouge Direct, qui lutte contre l’homophobie dans le football.

«L’homophobie est partout»

Les instances sportives, elles, assurent combattre les discriminations, à l’image de la Ligue espagnole de football (LaLiga), qui relève chaque week-end les insultes proférées dans les stades.

«Nous ne permettrions pas le moindre dénigrement, d’un coéquipier, du public, de médias» si un footballeur révélait son homosexualité, déclarait il y a quelques mois le président de LaLiga, Javier Tebas.

De même, les clubs clament la main sur le coeur qu’ils soutiendraient leurs joueurs le cas échéant. «Si quelqu’un souhaite exprimer librement son homosexualité, il n’y a aucune entrave dans notre club», assure à l’AFP une source au sein de la direction du FC Barcelone.

L’attaquant français de l’Atletico Madrid Antoine Griezmann, lui, a voulu dédramatiser les choses : «Si j’étais homosexuel, je le dirais. Même si c’est plus facile à dire quand on ne l’est pas», a-t-il dit début juin à la revue espagnole Icon.

Mais malgré ces discours rassurants, aucun joueur n’a franchi le pas.

«Dans le monde du football, l’homophobie est partout», accuse Jesus Tomillero, un arbitre victime de menaces de mort pour avoir dénoncé des insultes homophobes dont il était victime. «On pense que le football, c’est pour les machos, qu’un homosexuel peut en salir l’image», raconte ce jeune homme de 22 ans.

L’Espagne en retard

Dans les stades espagnols, les insultes homophobes sont souvent proférées pour discréditer l’adversaire, indépendamment de son orientation sexuelle réelle ou supposée. Plusieurs générations de joueurs y ont eu droit, de l’ancien milieu espagnol Guti à l’attaquant vedette du Real Madrid Cristiano Ronaldo, en passant par l’entraîneur catalan Pep Guardiola.

«Pourquoi ne le dénonce-t-on pas? L’arbitre ne l’inscrit pas dans son rapport du match. Il y a une inaction de tous les acteurs du sport», s’indigne Rubén Lopez, responsable des sports à la Fédération espagnole LGBT.

En 2016, le ministère espagnol de l’Intérieur a dénombré 92 «délits de haine», englobant entre autres les actes homophobes, commis dans une enceinte sportive. Les actes visant les LGBT ne sont pas comptabilisés séparément et une initiative parlementaire visant à inclure expressément les LGBT dans la loi contre l’intolérance dans le sport tarde à être adoptée.

«Le monde du sport va avancer peu à peu, mais cela prendra encore de très nombreuses années», estime Jesus Tomillero.

Des initiatives récentes ont certes connu des succès relatifs : en 2015, des joueurs ont commencé à lacer leurs crampons avec des cordons arc-en-ciel, symbole de la cause LGBT. Le Rayo Vallecano, club madrilène aujourd’hui en 2e division, a adopté un maillot barré d’une large bande arc-en-ciel. Et depuis 2016, LaLiga édite un guide recommandant la «tolérance zéro» envers les discriminations.

Mais l’Espagne reste en retard par rapport à d’autres pays d’Europe de l’Ouest ou du Nord, dénoncent les militants associatifs.

«Est-ce que les lacets (arc-en-ciel) ont eu un véritable impact dans le monde du football? On ne sait pas, en tous cas les gens au stade continuent à crier “tarlouze” (maricon)», constate Rubén Lopez, désabusé.

AFP

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