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Iran: les défis qui attendent le nouveau président

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Iran: les défis qui attendent le nouveau président

Le religieux ultraconservateur Ebrahim Raïssi qui prête serment devant le Parlement jeudi comme nouveau président de l’Iran, devra faire face à plusieurs défis majeurs.

Redresser l’économie

C’est la première des priorités.

En 2018, la sortie des Etats-Unis de l’accord international sur le nucléaire iranien et le rétablissement des sanctions américaines que ce pacte avait permis de lever ont plongé l’Iran dans une crise économique et sociale, aux effets amplifiés par la pandémie de Covid-19.

Dès son intronisation, le nouveau président lui même a prévenu que son gouvernent allait tenter “certainement d’obtenir la levée des sanctions”, rappelant néanmoins que “nous ne lierons pas les conditions de vie de la nation à la volonté des étrangers”.

Pour Saïd Laylaz, économiste réformiste iranien, “la mission la plus importante pour M. Raïssi serait de reconstruire les moyens de subsistance des couches les plus défavorisées de la société iranienne.”

“Afin de réaliser cet objectif, il doit d’abord surmonter le problème de l’inflation, qui est son défi majeur”, explique à l’AFP M. Laylaz, un conseiller auprès de plusieurs présidents iraniens.

Avec la levée éventuelle des sanctions, “on aura une stabilisation de l’environnement macroéconomique avec une accélération de la croissance et une baisse de l’inflation”, détaille à l’AFP Thierry Coville, chercheur spécialiste de l’économie iranienne à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) de Paris.

Mais il faudra accompagner les attentes de la population car “un des risques est que les gens pensent que tout va s’améliorer tout de suite et se retrouvent très déçus”, prévient M. Coville.

Le guide suprême Ali Khamenei avait reconnu au moment de la prise des fonctions du nouveau président que “résoudre des problèmes économiques (…) ne peut être fait en peu de temps”.

Quelles relations avec le monde ?

Si un compromis sur le nucléaire est trouvé, cela “ne permettra néanmoins probablement pas un retour des investisseurs occidentaux sur le marché iranien à court terme”, constate Clément Therme, chercheur associé à l’Institut universitaire européen de Florence.

“Pour ce faire, une normalisation diplomatique entre Téhéran et Washington semble une condition indispensable”, ajoute-t-il.

Or le guide suprême se montre hostile à tout rapprochement avec le “Grand Satan”.

Avec Ebrahim Raïssi, qui dit vouloir privilégier les relations avec les pays géographiquement proches de l’Iran, une persistance des tensions avec l’Occident est prévisible, mais le processus de normalisation avec l’Arabie saoudite, grand rival régional de l’Iran, devrait se poursuivre, selon plusieurs experts.

“Un rapprochement avec Ryad serait pour Téhéran un succès diplomatique majeur”, note M. Therme, ce que selon lui permettrait “d’obtenir une reconnaissance du rôle régional de l’Iran en tant que puissance incontournable”.

“Sur le plan économique, cette stratégie vise à renforcer les réseaux économiques iraniens pour limiter l’influence négative des sanctions économiques américaines” sur son économie, estime-t-il.

Sortir de la crise sanitaire

Pays du Proche et du Moyen-Orient le plus touché par la pandémie de Covid-19, l’Iran a pris du retard dans sa campagne de vaccination, en partie à cause des sanctions américaines, qui ont entravé les efforts du pays pour obtenir des vaccins.

Pour M. Laylaz, la gestion des problèmes économiques est liée à la résolution de la crise sanitaire, et donc le président doit “achever le processus de vaccination en Iran pour ainsi normaliser la vie dans le pays”.

Regagner la confiance du peuple

“La crise de confiance [vis-à-vis des autorités] est profonde et à grande échelle”, constate le journaliste réformateur Ahmad Zeidabadi.

En témoigne la présidentielle de juin où la plus basse participation (48,8%) à un tel scrutin a été enregistrée depuis la proclamation de la République islamique en 1979.

Le drame de l’avion de ligne ukrainien (176 morts) abattu en janvier 2020, et pour lequel les autorités n’ont reconnu leur responsabilité qu’après trois jours de dénis, ainsi que la répression sanglante de deux vagues de contestation, à l’hiver 2017-2018 et en novembre 2019, ont laissé des traces.

“Ce qui a causé le plus de problèmes, c’est la confiance du peuple qui a été endommagé”, avait reconnu M. Raïssi lors de son intronisation.

“Le futur gouvernement devra prendre quelques mesures immédiates pour rétablir la confiance, estime M. Zeidabadi, parmi lesquelles, selon lui, “lever le blocage de certains réseaux sociaux tels que Telegram et Twitter [et] renoncer à être sévère sur le voile des femmes”.

L’environnement, priorité oubliée

“La crise environnementale en Iran est une réalité”, note M. Coville, mais jusqu’à présent, “on a l’impression que le gouvernement n’est pas capable de mettre en place une politique d’ensemble”.

“Les ressources en eau sont épuisées”, déplore M. Zeidabadi, mentionnant aussi “la destruction des ressources naturelles” sous la pression de certaines activités économiques. “Malheureusement, ajoute-t-il, “il suffit qu’il pleuve deux fois pour que les responsables l’oublient complètement”.

En juillet, des habitants de la province riche en pétrole du Khouzestan (sud-ouest) ont manifesté contre les pénuries d’eau.

D’après M. Therme, “les causes du problème [sont hors du] champ des compétences du président”, en faisant référence aux “intérêts économiques des entreprises” du secteur parapublic échappant au contrôle de l’exécutif.