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Izzy Yanay, l’homme qui veut faire accepter le foie gras aux Etats-Unis

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Izzy Yanay, l’homme qui veut faire accepter le foie gras aux Etats-Unis

Trente-quatre ans qu’Izzy Yanay se bat pour implanter le foie gras aux Etats-Unis, contre le scepticisme des chefs cuisiniers et l’hostilité des défenseurs des animaux, depuis sa ferme de l’Etat de New York, transformée en vitrine contre les réticences liées au gavage.

Ils viennent par centaines chaque année visiter cette ferme, raconte Marcus Henley, vice-président de Hudson Valley Foie Gras, l’entreprise co-fondée par Izzy Yanay. Professionnels, restaurateurs, responsables politiques parfois, mais aussi simples curieux.

“En 2004, c’est devenu très important pour nous d’ouvrir nos portes, montrer aux gens le processus et les laisser se faire leur propre opinion”, explique-t-il, en référence à l’année de la première interdiction de vente et de production du foie gras en Californie.

De sa voix douce, Marcus Henley est toujours prêt à expliquer pourquoi, selon lui, les canards d’Hudson Valley ne sont pas maltraités, revenant longuement sur le gavage, le geste qui braque tant de gens aux Etats-Unis et ailleurs.

Il est fait manuellement, avec un tube, et ne dépasse pas la quantité que le palmipède pourrait manger de lui-même, assure-t-il, rappelant aussi que le gésier du canard a naturellement une fonction de stockage, même si les opposants au gavage assurent qu’il fait bel et bien souffrir l’animal.

Hudson Valley a également recours à des lobbyistes et des avocats, pour convaincre les législateurs et batailler devant les tribunaux.

Si seules la Californie et la ville de Chicago ont voté une interdiction, interrompue parfois de suspensions, des propositions de loi ont été présentées dans une dizaine d’autres Etats, sans succès à ce jour.

“Cela nous coûte beaucoup d’argent”, reconnaît Izzy Yanay. “Mais sans cela, nous ne serions plus là.”

L’hostilité, cet entrepreneur venu d’Israël, qui dit avoir beaucoup appris en France, s’y est habitué depuis son arrivée aux Etats-Unis.

En 1983, il est le premier à proposer du foie gras américain, à des restaurateurs qui n’en veulent pas – même les Français – interloqués par ce produit qu’ils refusent même de goûter. “Vous auriez pu le donner, personne n’y aurait touché”, se souvient-il.

– ‘Une cible très facile’ –

Il rencontre alors Ariane Daguin, fille du chef étoilé André Daguin, sur le point de lancer sa marque D’Artagnan aux Etats-Unis.

“Ils sont venus avec un foie gras sous le bras”, raconte cette Gasconne. “Moi, ça faisait sept ans que je n’étais pas rentrée en France et ça m’a vraiment emballée. Ca m’a vraiment émue.”

Elle se rend sur la ferme et est séduite par les méthodes d’Izzy Yanay, sensiblement différentes de ce qui se fait en France. Aujourd’hui encore, le gavage prend 20 jours chez Hudson Valley, contre 11 ou 12 jours dans l’Hexagone.

Conquise, Ariane Daguin invente un marché pour le foie gras de Yanay aux Etats-Unis, qu’elle distribue via sa marque de produits fins.

Le foie entier, qui constitue aujourd’hui encore environ 85% de la production pour être poêlé, entre peu à peu dans les cuisines de quelques grands établissements, mais dès le début des années 90, Hudson Valley est pris pour cible par la cause animale.

“Ils ne peuvent pas s’attaquer au poulet ou au boeuf”, des industries trop puissantes, estime Yanay. “Nous sommes une cible très facile.”

Hudson Valley est parvenu à se développer, et pèse aujourd’hui environ 30 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel pour une production de 360 tonnes.

Près de 150.000 canards, de races mulard et pékin, vivent en permanence dans les bâtiments de Ferndale, dans l’Etat de New York. Après la disparition, en 2012, du producteur californien Sonoma Foie Gras, Hudson Valley n’a plus qu’un seul concurrent aux Etats-Unis, La Belle Farm, bien plus modeste.

L’entreprise développe désormais d’autres produits, comme le foie gras au torchon ou une invention maison, le “foie’camole”, une mousse avec les épices du guacamole mais sans avocat.

Quant à Yanay, il se réjouit qu’après 34 ans de bonne et mauvaise publicités, “tout le monde ici sache ce qu’est le foie gras, qu’ils aiment ça ou non”.

Cet homme d’action au visage halé, taillé comme dans un bloc, aimerait bien désormais passer la main, mais s’inquiète d’un paysage économique et surtout réglementaire encore instable.

“Je ne pense pas que tout ceci doive s’arrêter quand je partirai, il faut que ça continue”.

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