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Japon: ce qu’il faut savoir sur la Constitution pacifiste

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Japon: ce qu’il faut savoir sur la Constitution pacifiste

L’ample victoire du Premier ministre japonais Shinzo Abe aux élections législatives anticipées dimanche lui permettrait d’initier une réforme inédite de la Constitution pacifiste japonaise, sur fond de menaces grandissantes de la Corée du Nord, mais la procédure s’annonce longue et complexe.

Voici ce qu’il faut savoir sur la Constitution japonaise et les débats récurrents sur son éventuelle réforme.

Pourquoi la Constitution japonaise est-elle “pacifiste”?

Cette charte fondamentale a été dictée par l’occupant américain après la défaite japonaise de la Seconde Guerre mondiale. Elle a été promulguée par le Parlement japonais en 1947 et jamais modifiée depuis.

Son article 9, le plus célèbre, stipule que le Japon “renonce à jamais” à la guerre et “à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux”.

Le texte ajoute qu’à cette fin, “il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre”.

Cependant le Japon, devenu un fidèle allié des Etats-Unis durant la Guerre Froide, a reconstitué par la suite des forces militaires, appelées “Forces d’autodéfense”, censées n’intervenir que si le pays est directement attaqué.

Elles sont utilisées régulièrement en tant qu’unités de secours lors de catastrophes naturelles au Japon.

Pourquoi M. Abe veut-il amender la Constitution ?

Shinzo Abe explique qu’il veut modifier la Constitution pour donner un statut clair aux Forces d’autodéfense, tout en maintenant le principe fondamental du pacifisme. Il souhaite aussi y inscrire la gratuité d’une partie de la scolarité, et y définir l’Etat d’urgence.

Le statut des Forces d’autodéfense est devenu encore plus trouble depuis que M. Abe a réussi à passer en 2015 des lois très contestées dans le pays, permettant en théorie à ces troupes d’appuyer un allié sur un théâtre d’opérations militaires à l’étranger, même si le Japon lui-même n’est pas attaqué.

M. Abe avait à l’époque justifié ces lois par la nécessité de se protéger de menaces émanant de l’imprévisible Corée du Nord et de la montée en puissance de la Chine, qui dispute au Japon la souveraineté de certains îlots et eaux territoriales, riches en hydrocarbures, en mer de Chine orientale.

La récente escalade des tensions internationales avec la Corée du Nord, qui a procédé à un sixième essai nucléaire et fait survoler deux missiles au-dessus du Japon, a encore apporté de l’eau au moulin de M. Abe pour justifier une réforme constitutionnelle.

Qu’en pensent les Japonais ?

L’opinion publique est divisée sur la question. La plupart des Japonais, gardant notamment en mémoire l’horreur des bombes atomiques larguées par les Américains sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945, chérissent l’esprit de pacifisme de la Constitution et ne veulent pas toucher à son article 9, d’après les sondages.

En 2015 des dizaines de milliers de Japonais avaient ainsi manifesté dans la rue, fait extrêmement rare dans le pays, pour protester contre l’adoption des lois autorisant les Forces d’autodéfense à intervenir à l’étranger.

Cependant, les milieux nationalistes japonais, dont Shinzo Abe est proche et dont l’influence est grandissante dans le pays, perçoivent l’article 9 comme une humiliante relique de la défaite impériale de 1945, et jugent qu’il est temps de l’amender pour l’adapter aux nouvelles réalités géopolitiques.

Selon un récent sondage du journal conservateur Yomiuri Shimbun, 35% des personnes interrogées étaient en faveur d’une modification de l’article 9, mais 42% étaient contre. Si l’attitude à adopter par le Japon face à la Corée du Nord a été un thème majeur de la campagne des dernières élections législatives, la plupart des électeurs ne considéraient pas une réforme constitutionnelle comme une priorité.

Comment réviser la Constitution ?

Un projet d’amendement constitutionnel doit obtenir une majorité des deux tiers dans les deux chambres du Parlement, ce dont dispose la coalition au pouvoir de M. Abe. Mais cela ne suffit pas: pour être définitivement adopté, un changement constitutionnel doit être voté par référendum, ce qui s’annonce autrement plus difficile.

Par ailleurs, les partisans d’une révision constitutionnelle sont eux-mêmes divisés sur les changements à y apporter.

Conscient des difficultés, M. Abe ne s’est pas montré pressé d’avancer sur cet épineux dossier dimanche soir, désireux de dégager un consensus le plus large possible, au-delà de sa coalition gouvernementale: “Nous essayerons d’avoir le soutien du plus grand nombre possible”, a-t-il déclaré.

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