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Jour de confusion à Barcelone, où la République semble mort-née

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Jour de confusion à Barcelone, où la République semble mort-née

La République catalane est-elle mort-née ? Ses dirigeants battent-ils vraiment en retraite ? Un sentiment de “confusion” régnait lundi à Barcelone, de la rue aux administrations.

“Il n’y a pas de République catalane en tant que telle” : Marc Galvan, 24 ans, se voit forcé de le constater, à la sortie d’une librairie du centre-ville, lui qui s’assume “indépendantiste de gauche”.

La déclaration unilatérale d’indépendance, votée par 70 députés catalans sur 135, date déjà d’il y a trois jours. Mais elle ne s’est pas concrétisée et le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy a déjà pris le contrôle du territoire, en faisant un usage inédit de l’article 155 de la Constitution.

Depuis, la mouvance indépendantiste attend un message clair du président catalan destitué Carles Puigdemont et de son vice-président Oriol Junqueras pour dire s’ils vont, oui ou non, résister à leur destitution.

“S’ils se jettent à l’eau, s’ils disent qu’ils vont aller jusqu’au bout, les gens feront face. Mais s’ils ne s’engagent qu’à moitié, les gens se fatigueront”, dit Marc, étudiant en sciences politiques.

Dans cette Catalogne partagée quasiment pour moitié entre pro et anti-sécession une annonce en déconcerte plus d’un : l’absence de Puigdemont qui, selon une source gouvernementale espagnole, serait “parti à Bruxelles”.

– Déconcertant –

Mais pour Agustin Sanllehi, 74 ans, “tout est clair: Rajoy a stoppé cette idiotie, les indépendantistes ont abandonné le navire comme des rats et Puigdemont est un clown”.

“La République catalane est mort-née, ils l’avaient proclamée du bout du lèvres, et ils ne représentaient même pas 50% des Catalans”, tranche l’ancien chef d’entreprise à la retraite, fumant le cigare sur un banc du Paseig de Gracia où il manifestait dimanche avec des centaines de milliers d’autres Catalans contre l’indépendance.

Au sein de l’administration, le désarroi le dispute à la normalité.

“Les choses changent à une vitesse hallucinante depuis jeudi et nous sommes dans l’attente de voir ce qui va se passer toutes les dix minutes”, témoigne Joan Escanilla, porte-parole du syndicat de fonctionnaires CSIF.

“Mais le travail quotidien se poursuit. Pour le fonctionnaire de base, le médecin, le maître, ça va être plus ou moins pareil et le pompier ira éteindre l’incendie, qu’il y ait ou non le 155”, dit-il.

Un employé de l’agence fiscale de Catalogne explique anonymement que les fonctionnaires n’ont reçu aucune instruction de Madrid mais pas non plus d’appel à désobéir : “On a seulement reçu des ordres de ne plus répondre aux questions des gens qui demandaient comment ils pouvaient payer leurs impôts directement à l’agence catalane. (…) Il a été décidé de faire profil bas”, dit-il. “Nous sommes comme la société : sans aucune indication. Tout cela est très déconcertant”.

Au journal officiel de la Catalogne, “il n’y a rien sur la république”, constatent trois employées du département catalan de l’Agriculture, “déroutées”.

“Je ne suis pas indépendantiste et ne le serai jamais mais je suis triste parce que l’époque est confuse, les gens amers, la société divisée”, témoigne l’une d’elles, Isabel Ros, 35 ans, sortie prendre le café entre collègues.

“Dans ma famille, il y a des indépendantistes et je comprends que des gens aient ce sentiment”, avoue cette électrice socialiste. “Pour moi, Madrid agit très mal parce que l’application du 155 est disproportionnée car ici il n’y a ni violence ni insurrection”.

Préférant ne pas livrer son nom, sa collègue Raquel, 38 ans, électrice de gauche non indépendantiste, parle d'”une tristesse” : “Appliquer le 155 d’une manière catégorique me semble un manque de respect envers tous les Catalans. Je ne suis pas indépendantiste mais les gens ont le droit d’exprimer pacifiquement cette ardeur qu’ils ont à l’intérieur depuis des années”.

Au même moment, à Madrid, le procureur général de l’Etat espagnol annonce que des poursuites pour “rébellion” sont requises contre l’ensemble des membres du gouvernement catalan destitué, pouvant leur valoir de lourdes peines de prison.

De quoi susciter “l’indignation” de Carles Enrich, ancien dirigeant d’entreprise de 64 ans et électeur indépendantiste. Mais il pointe un paradoxe : “Théoriquement, nous sommes déjà en république et la loi espagnole ne devrait pas nous affecter plus que la loi d’un autre pays…”.

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