Home Pure Info La Catalogne proclame son indépendance, Madrid la met sous tutelle

La Catalogne proclame son indépendance, Madrid la met sous tutelle

0
La Catalogne proclame son indépendance, Madrid la met sous tutelle

Le Parlement catalan a proclamé vendredi l'”indépendance” de la Catalogne, une rupture sans précédent en Espagne à laquelle Madrid a riposté en mettant la région sous tutelle.

Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a immédiatement réagi au vote du parlement catalan en promettant de “restaurer la légalité” en Catalogne.

Et, signe de l’inquiétude suscitée par cette crise en Europe, le président de la Commission Jean-Claude Juncker a souligné que l’UE n’avait “bas besoin d’autres fissures”.

Washington, Londres, Berlin et Paris ont aussi fait savoir qu’ils soutenaient l’unité de l’Espagne.

Le président du Conseil européen Donald Tusk a aussi appelé Madrid à choisir “la force de l’argument plutôt que l’argument de la force”, alors que beaucoup craignent que la Catalogne ne soit entraînée dans une spirale de troubles et de répression. Le président indépendantiste Carles Puigdemont a d’ailleurs appelé les Catalans à rester “pacifiques et civiques”.

Loin des chancelleries, la liesse s’est emparée de dizaines de milliers de personnes en Catalogne ayant le sentiment de vivre un moment historique.

Des hourras, des applaudissements et le cri “indépendance” en catalan se sont élevés de la foule aux abords du Parlement régional quand la résolution déclarant l’indépendance a été adoptée.

Sablant le “cava” (mousseux) catalan et s’embrassant, des manifestants ont entonné l’hymne de la Catalogne, poing levé. Dans la soirée des dizaines de milliers de personnes se sont encore rassemblées sur des places de grandes villes comme Barcelone, Gérone ou Tarragone pour fêter la “République”.

La déclaration d’indépendance va cependant à l’encontre du souhait d’une bonne moitié des Catalans. Rappelant cette réalité, la maire de Barcelone, Ada Colau, était sévère vendredi soir, assurant que les indépendantistes au pouvoir avaient “avancé à une vitesse de kamikaze”, imposée par des “intérêts partisans”.

Lors des dernières régionales en 2015, les indépendantistes avaient obtenu 47,8% des suffrages.

Symbole de cette fracture, la résolution déclarant l’indépendance a été adoptée en l’absence de l’opposition – qui avait quitté l’hémicycle – par 70 voix pour, dix voix contre et deux abstentions.

“Ce papier que vous avez rédigé détruit ce qu’il y a de plus sacré, la coexistence” en Catalogne, avait auparavant déclaré en brandissant la résolution qui allait être votée Carlos Carrizosa, élu du parti anti-indépendantiste Ciudadanos.

Le texte proclame “la République catalane, comme Etat indépendant et souverain, de droit, démocratique et social”.

Une heure après son adoption, le Sénat espagnol a validé le déclenchement de l’article 155 de la Constitution, permettant une mise sous tutelle de la région, un événement sans précédent en Espagne depuis le retour de la démocratie en 1977.

Dans la foulée, Mariano Rajoy a convoqué un Conseil des ministres extraordinaire pour mettre en oeuvre les mesures qui en découleront: destitution de l’exécutif catalan et mise sous tutelle de la police. Il s’est en outre engagé à organiser des élections dans la région dans les six mois.

– ‘Résister pacifiquement’ –

La Catalogne n?en est pas à ses premières tentatives d’éloignement du gouvernement central. Le dernier épisode remonte à plus de 80 ans, quand le 6 octobre 1934, le président du gouvernement autonome de Catalogne, Lluis Companys, avait proclamé un “Etat catalan dans le cadre d’une République fédérale d’Espagne”.

La tentative avait déclenché une proclamation d’Etat de guerre et des affrontements qui avaient fait entre 46 et 80 morts, selon les historiens.

Les conséquences de la déclaration d’indépendance comme de la mise sous tutelle sont incalculables.

Face à l’insécurité juridique, plus de 1.600 sociétés ont déjà décidé de transférer leur siège social hors de Catalogne, agitée depuis des semaines par des manifestations pour et contre l’indépendance. Les banques catalanes accentuaient leur chute vendredi à la Bourse de Madrid, Banco Sabadell en tête (-4,85%).

La principale organisation patronale en Espagne, la CEOE a dénoncé, le vote du parlement catalan, craignant des conséquences “très graves” notamment pour l’économie.

Les partis séparatistes présentent comme un “mandat” les résultats – invérifiables – du référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre, qui avait été émaillé de violences policières: 90% de “oui” à la sécession, avec 43% de participation.

L?article 155, délicat à appliquer, suppose un recul important qui rappellerait la dictature de Francisco Franco (1939-1975) pendant laquelle la Catalogne avait été privée de cette autonomie.

Madrid affirme cependant qu’il en fera un usage a minima pour “restaurer l’ordre constitutionnel”.

Mais la mesure choque d’autant plus localement que c’est justement autour du débat sur les compétences de la Catalogne, meurtrie par l’annulation partielle en 2010 par la justice d’un statut lui conférant de très larges pouvoirs, que s’est nouée la crise actuelle.

Les puissantes associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural ont déjà prévenu qu’elles mobiliseraient leurs dizaines de milliers d’adhérents pour “défendre la République”. Des “Comités de défense de la République” se disent également prêts à “résister pacifiquement”.

© 2017 AFP. Tous droits de reproduction et de représentation réservés. Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l’AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l’accord préalable écrit de l’AFP.