La militaire ukrainienne Nadia Savtchenko, jugée en Russie pour le meurtre de deux journalistes en Ukraine, a annoncé mercredi la poursuite de sa grève de la faim au dernier jour d’un procès où elle a adressé un très explicite bras d’honneur à ses juges.

Paraissant en bonne forme physique malgré plusieurs jours sans boire ni manger, la pilote d’hélicoptère de 34 ans, devenue une héroïne nationale en Ukraine, a assuré qu’elle «poursuivra (sa) grève de la faim et de la soif» et réaffirmé son innocence, défiant ouvertement les juges qui ont annoncé que le verdict serait rendu les 21 et 22 mars.
«Peut-être que je vivrai» jusque-là, a-t-elle lancé sous les yeux de sa mère et de sa soeur: «Rappelez-vous: ma vie est en jeu. Et je gagnerai. Les enjeux sont élevés et je n’ai rien à perdre».
«Voilà mon dernier mot!», a encore lancé la militaire avant de bondir sur le banc des accusés et d’adresser un spectaculaire bras d’honneur à ses juges.
Le procès, qui aura duré presque six mois, s’est terminé dans la confusion, plusieurs personnes, dont Nadia Savtchenko, entonnant l’hymne ukrainien.
Pour protester contre sa détention, la jeune femme avait déjà observé une grève de la faim de plus de 80 jours, qui avait pris fin en mars 2015, mais c’est la première fois qu’elle est en grève de la soif.
Un de ses avocats, Nikolaï Pozolov, a assuré sur Twitter que le tribunal avait refusé à la mère et à la soeur de Nadia Savtchenko le droit de la voir dans sa cellule. Une équipe médicale ukrainienne qui désirait examiner la pilote d’hélicoptère a également été empêchée de la voir, a-t-il précisé.
Selon Nikolaï Polozov, l’état de santé de la jeune femme, fiévreuse, s’est nettement détérioré ces derniers jours. «Il est peu probable que nous puissions la convaincre d’arrêter sa grève», a toutefois prévenu un autre avocat, Mark Feïguine.
«Libération immédiate»
De son côté, l’Ukraine a exigé la «libération immédiate» de la pilote. Mais Moscou a répété qu’aucun échange entre Nadia Savtchenko et des prisonniers détenus par les autorités ukrainiennes «ne peut avoir lieu avant le jugement du tribunal», selon la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.
À Kiev, le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a estimé que la libération de la jeune femme constituait un «défi» pour la communauté internationale. La veille, le vice-président américain Joe Biden avait appelé la Russie à libérer «immédiatement» la pilote.
Au moment où se déroulait le procès, plusieurs centaines de personnes étaient réunies devant l’ambassade de Russie à Kiev en brandissant des drapeaux aux couleurs bleue et jaune de l’Ukraine et des pancartes sur lesquelles on pouvait notamment lire «FreeSavchenko» («Libérez Savtchenko). L’ambassade a été visée par des jets d’oeufs.
Parallèlement, cinq pays membres de l’UE – la Lituanie, la Grande-Bretagne, la Pologne, la Roumanie et la Suède – vont appeler l’Union à sanctionner les responsables russes qu’ils jugent impliqués dans le procès de Nadia Savtchenko, a indiqué mercredi le chef de la diplomatie lituanienne Linas Linkevicius.
Le Parquet russe a requis 23 ans de prison contre la pilote, jugée depuis l’été dernier par un tribunal de Donetsk, petite ville russe à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne.
Elle comparaît pour avoir, selon l’accusation, transmis à l’armée ukrainienne la position de deux journalistes russes tués par un tir de mortier dans l’est de l’Ukraine à l’été 2014.
Arrêtée début juillet 2014 sur le territoire russe selon Moscou, Mme Savtchenko accuse de son côté les rebelles prorusses de l’est de l’Ukraine de l’avoir capturée sur le territoire ukrainien et livrée aux autorités russes.
Contraires aux accords de Minsk
L’Allemagne a appelé mercredi la Russie à libérer «immédiatement» la pilote Savtchenko.
«Le procès contre Savtchenko est en contradiction avec l’esprit et la lettre des accords de Minsk et nous appelons dès lors, ensemble avec nos partenaires, à libérer immédiatement Nadia Savtchenko pour motifs humanitaires», a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert.
L’accord de Minsk de février 2015 et qui vise à désamorcer le conflit dans l’est de l’Ukraine prévoit «un échange de tous les prisonniers et otages», a rappelé le porte-parole.
M. Seibert a assuré que l’Allemagne suivait avec «grande attention l’état de santé de Mme Savtchenko».
Le porte-parole a notamment exprimé son «inquiétude» en raison de la grève de la faim de la pilote et des «vingt mois de détention avec par moments des méthodes d’interrogatoires discutables en contradiction avec les normes internationales».
Mais Moscou a répété qu’aucun échange entre Nadia Savtchenko et des prisonniers détenus par les autorités ukrainiennes «ne peut avoir lieu avant le jugement du tribunal», selon la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.