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La politique publique du logement en France, coûteuse et peu efficace ?

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La politique publique du logement en France, coûteuse et peu efficace ?

Avec 40 milliards d’euros d’aides publiques, le logement est-il un secteur où la France dépense “plus que ses voisins sans pour autant améliorer les services”, selon la formule du ministre des Comptes publics Gérald Darmanin ?

– La France dépense-t-elle plus que ses voisins européens pour le logement ?

“La France dépense 0,8% de son PIB en aides personnelles au logement, soit un niveau comparable à la Finlande. Au Royaume-Uni, cette part atteint 1,3%. Elle est moindre en Allemagne, où le marché locatif est fortement encadré et les tensions bien moindres. A contrario, les pays du sud de l’Europe dépensent moins en aides personnelles du fait d’une part de propriétaires bien plus importante. Comparer les montants alloués a donc peu de sens sauf à tenir compte de la structure du parc de logements”, répond à l’AFP Pierre Madec, chercheur à l’OFCE.

– La politique publique du logement est-elle efficace en France ?

“Globalement oui. Les conditions de logement se sont considérablement améliorées depuis 40 ans. Dans les années 1970, un logement sur deux n’avait pas de WC, aujourd’hui c’est 0,7% et cela doit beaucoup aux aides publiques. Et nous avons 14 à 16% de logements sociaux, qui apportent une aide efficace à ceux qui n’arrivent pas à se loger dans le parc privé. Mais il y a aussi 4 millions de mal-logés, un problème qu’on n’arrive pas à résorber. Les 40 milliards de dépenses publiques comprennent beaucoup d’aides à la construction parce qu’il y a de forts enjeux d’emploi pour le secteur du bâtiment. Nous sommes un des pays d’Europe où on construit le plus, et cela doit beaucoup au PTZ, au Pinel, aux aides au logement”, analyse pour l’AFP Jean-Claude Driant, professeur à l’École d’urbanisme de Paris et spécialiste des politiques du logement.

– Comment améliorer cette efficacité ?

“Le principal objectif doit être de produire davantage de logements abordables dans les territoires en tension. Cela permettrait non seulement de mieux loger les ménages mais également de réduire à terme les dépenses publiques. Pour permettre ce +choc d’offre+, le levier fiscal doit être mobilisé. La fiscalité immobilière incite fortement à la rétention, à la fois de foncier et de logements, notamment dans les zones les plus tendues. Il faut inverser la logique. Une réforme fiscale de grande ampleur peut le permettre. Et il faut mieux territorialiser la politique et la fiscalité du logement pour tenir compte des différences importantes qui existent entre les territoires”, dit M. Madec.

– Vendre les logements HLM à leurs occupants, est-ce une solution ?

“Chaque année, environ 8.000 logements sont vendus à leurs occupants, une fraction marginale du parc social. Généraliser ce type de pratique est compliqué: pour que les locataires du parc social soient en capacité d’acheter leur logement, il faudrait soit les solvabiliser massivement soit leur vendre des logements très peu chers. Cette +solution+ ne pourrait être envisagée que dans les zones sans tension, mais investir dans ces zones n’est pas sans risque et le parc de logements sociaux y est souvent relativement ancien et donc peu attractif. Inciter les ménages les plus modestes à y investir peut même avoir des conséquences néfastes. En Grande-Bretagne, des ventes massives ont fait chuter la production de logements neufs à un niveau deux fois inférieur à celui des pays comparables, selon un rapport de la chambre des Lords en 2016”, affirme M. Madec.

– Construire davantage fera-t-il “baisser les loyers” ?

“Si on parvient à construire des logements aux loyers abordables là où les besoins sont les plus importants, oui certainement. Mais d’une part, cette dynamique, du fait des délais de construction notamment, sera longue à s’enclencher et ne peut donc être le pendant de la réduction des aides personnelles annoncées à court terme. Et d’autre part, ce +choc d’offre+ ne peut ni reposer sur les dispositifs fiscaux dysfonctionnels qui existent aujourd’hui ni exclure les bailleurs sociaux qui demeurent les principaux acteurs de la production de logements abordables à l’heure actuelle”, juge M. Madec.

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