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La protestation enfle en Espagne contre le jugement disculpant la “meute” de viol

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La protestation enfle en Espagne contre le jugement disculpant la “meute” de viol

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi à Pampelune, dans le nord de l’Espagne, au troisième jour d’un vaste mouvement de protestation dans ce pays contre un jugement disculpant de “viol” cinq hommes ayant abusé d’une jeune femme, et même des carmélites se sont jointes aux critiques.

Le slogan “ce n’est pas un abus sexuel, c’est un viol !”, a résonné samedi à Pampelune, la capitale de la région de Navarre, comme chaque jour depuis que le jugement contesté y a été rendu.

A l’appel du Mouvement féministe de Pampelune, “entre 32.000 et 35.000 personnes ont participé à cette marche très tranquille mais très revendicative”, a déclaré à l’AFP un porte-parole de la police municipale.

Cinq Sévillans, âgés de 27 à 29 ans, qui se surnommaient eux-mêmes “La meute”, avaient été condamnés jeudi à une peine de neuf ans de prison chacun, pour “abus sexuel” sur une Madrilène de 18 ans pendant les fêtes de la San Fermin de l’été 2016, aggravé d'”abus de faiblesse”.

Ils avaient filmé leurs actes et s’en étaient vantés, mais au procès, la jeune fille avait dû se justifier d’avoir eu une attitude passive face à eux. Les défenseurs des cinq hommes soutenaient que la victime – qui avait auparavant bu de la sangria – était consentante puisque qu’elle n’avait jamais semblé dire “non” à l’image.

Finalement, les juges n’ont pas retenu la notion de “viol”, pour lequel le Code pénal espagnol stipule qu’il doit y avoir eu “intimidation” ou “violence”.

Le parquet de Navarre et la région elle-même – partie civile dans cette affaire – avaient annoncé dès vendredi qu’ils feraient appel du jugement.

Et le gouvernement conservateur espagnol de Mariano Rajoy s’était empressé d’annoncer qu’il étudierait l’éventualité d’une révision du Code pénal.

– Pétition massive contre les juges –

Mais la contestation n’a pas cessé d’enfler, de nombreux Espagnols s’indignant qu’un des trois juges se soit prononcé pour la relaxe des cinq hommes.

Fait rare : plus d’1,2 million de personnes ont déjà signé une pétition adressée au Tribunal suprême pour réclamer la révocation des juges ayant pris la décision.

Puisque le tribunal de Navarre “conclut qu’il n’existe ni violence ni intimidation, je demande la révocation des magistrats le composant”, est-il écrit dans la pétition, lancée par une Espagnole de 38 ans.

Le texte déplore qu'”il y ait des juges et magistrats qui considèrent que pour qu’il existe une agression sexuelle (viol, ndlr), il n’est pas suffisant que cinq hommes agressent une jeune sans défense et en état d’ébriété puis l’abandonnent après lui avoir volé son téléphone”.

Cependant, dans leur jugement, les magistrats avaient notamment souligné qu’il était “indiscutable que la plaignante s’est soudain trouvée dans un lieu étroit et caché, entourée par cinq hommes plus âgés et de forte carrure qui l’ont laissée impressionnée et sans capacité de réaction”.

D’autres voix se sont élevées pour appeler au respect dû aux magistrats et à leurs argumentations.

Le journal El Mundo titrait samedi sur “l’inquiétude générée chez les juges par +l’excessive+ réaction” au jugement.

Le tribunal a “minutieusement évalué (…) tous les éléments de preuves apportés”, avait réagi dès vendredi le président du Tribunal suprême et du Conseil général du pouvoir judiciaire (l’organe de direction du pouvoir judiciaire), Carlos Lesmes, dans un communiqué.

Tout en admettant que toute décision judiciaire peut être critiquée, le haut magistrat a conclu : “les juges et les magistrats sont le plus important rempart pour la protection et la défense de toutes les victimes”.

Mais le mouvement de protestation agite les réseaux sociaux.

Et même des carmélites cloîtrées, appartenant à l’ordre des Moniales déchaussées, ont fait sensation en postant un texte sur Facebook, se concluant par le slogan “ma soeur, moi je te crois”, lancé dans le pays à l’attention de la victime de Pampelune.

“Nous l’avons écrit parce que nous voulions qu’il y ait une voix dans l’Eglise qui critique ce jugement”, a dit à l’AFP une porte-parole des 16 religieuses de cette communauté, soeur Mariluz, jointe au téléphone dans le monastère d’Hondarribia au Pays basque.

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