Home Pure Info La rage des manifestants demeure intacte au Kurdistan irakien

La rage des manifestants demeure intacte au Kurdistan irakien

0
La rage des manifestants demeure intacte au Kurdistan irakien

La rage des manifestants contre les partis politiques au Kurdistan irakien, accusés de corruption et d’impéritie, était mercredi toujours aussi vive en dépit du déploiement massif de forces de sécurité.

Dans la province de Souleimaniyeh (nord-est), des protestataires ont mis le feu aux sièges de Goran et de deux formations plus modestes, le Parti social-démocrate et le Parti communiste du Kurdistan, dans la localité de Rania, sans que les gardes n’interviennent.

A Qalat Diza, les protestataires ont incendié quatre sièges de partis. Des manifestations ont eu lieu à Chamchamal ainsi qu’à Halabja où les forces de l’ordre ont tiré en l’air et fait usage de gaz lacrymogène, selon des témoins.

La veille, des affrontements entre manifestants et policiers à Rania avaient coûté la vie à cinq protestataires atteints par balles, et fait plus de 70 blessés.

La mission d’assistance de l’ONU en Irak (Unami) a fait part de son inquiétude, appelant les forces de l’ordre à “faire preuve de retenue” et les manifestants “à éviter les actes de violence”.

Depuis le début des émeutes lundi, une vingtaine de sièges de partis politiques et une mairie ont été incendiés, les manifestants accusant le gouvernement de corruption et appelant à sa chute.

Ces protestations ont entraîné une crise institutionnelle: le parti Goran (10 ministres) et celui du Groupe islamique (deux ministres) ont annoncé leur retrait du gouvernement régional autonome de Nechervan Barzani, qui compte 21 membres.

“Nous brûlons les sièges des partis car ils font partie du gouvernement et sont responsables des souffrances économiques et politiques qu’endure le peuple kurde”, a affirmé à l’AFP un activiste de Souleimaniyeh, sous le couvert de l’anonymat. “Les citoyens kurdes veulent montrer qu’ils sont désespérés par l’action de tous les partis qui ont mené le Kurdistan à la faillite”.

– Magasins fermés –

Pour prévenir des heurts, des véhicules de police montés de mitrailleuses, des policiers anti-émeutes et des camions à canon d’eau ont pris position aux principaux carrefours de Souleimaniyeh, chef-lieu de la province éponyme.

De nombreux magasins étaient fermés près de la place du Sérail, en centre-ville, où se sont rassemblés depuis lundi des milliers de manifestants.

Selon des protestataires, plusieurs personnes on été arrêtées.

Des forces de sécurité étaient également déployées dans d’autres localités de la province.

La région autonome, qui affichait il y a encore peu sa fierté pour sa richesse et sa stabilité pendant que le reste de l’Irak sombrait dans le chaos, se trouve aujourd’hui dans une crise profonde.

Le référendum d’indépendance du 25 septembre initié par l’ex-président Massoud Barzani, mais rejeté avec force par le pouvoir central à Bagdad et la communauté internationale, s’est terminé en fiasco malgré la massive victoire du oui.

Après son pari raté, Massoud Barzani a quitté la présidence du Kurdistan et le Parlement kurde a effectué une répartition provisoire des pouvoirs, dans l’attente d’une élection présidentielle dont la date n’est toujours pas connue.

– ‘Sentiment d’humiliation’ –

Depuis la chute des cours du pétrole en 2014, la région était criblée de dettes mais le coup de massue a eu lieu lorsque, après le référendum, les forces irakiennes se sont emparées des zones disputées entre Bagdad et le Kurdistan, dont la riche province pétrolière de Kirkouk.

Le Kurdistan a perdu la moitié de sa production d’or noir.

Le pouvoir central a en outre fermé l’espace aérien international pour les liaisons avec les deux aéroports du Kurdistan.

Selon des habitants d’Erbil, capitale du Kurdistan, les salaires ont été amputés de moitié et sont maintenant versés de manière erratique.

Et avec l’hiver, le prix du mazout a fortement augmenté. Il n’y a que quatre heures d?électricité par jour et les gens n’ont plus les moyens de payer l’abonnement au générateur collectif.

“Il y a chez les gens un sentiment de trahison, de défaite et d’humiliation et ils en rendent responsables les partis”, a assuré à l’AFP le géographe Cyril Roussel, spécialiste du Kurdistan irakien. “Les caisses de la région sont vides et Bagdad attend la banqueroute pour entamer des négociations en position de force”.

Le mécontentement est partout au Kurdistan mais la région d’Erbil est “tenue d’une main de fer par le PDK (le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud et Nechervan Barzani) alors que la diversité (politique) est plus grande dans la région de Souleimaniyeh”, a expliqué M. Roussel.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a affirmé que son gouvernement ne pouvait pas payer le salaire des fonctionnaires au Kurdistan à “cause de la corruption qui y règne”.

De son côté, Nechervan Barzani, en visite en Allemagne, avait reconnu mardi que le Kurdistan “traversait une période difficile”. “Vos frustrations sont compréhensibles et je les entends. Mais la violence est inacceptable”, a-t-il dit.

© 2017 AFP. Tous droits de reproduction et de représentation réservés. Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l’AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l’accord préalable écrit de l’AFP.