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Le combat d’Angela Gui, fille d’un libraire hongkongais détenu en Chine

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Le combat d’Angela Gui, fille d’un libraire hongkongais détenu en Chine

Angela Gui se souvient de son père comme l’homme qui savait toujours régler ses problèmes à elle. Depuis deux ans, c’est elle qui se démène pour que ce libraire hongkongais ne soit pas oublié dans sa prison chinoise.

Gui Minhai est un des cinq employés de la maison d’édition “Mighty Current” -spécialisée dans les titres salaces sur la vie privée des dirigeants chinois interdits de l’autre côté de la frontière- qui se sont “volatilisés” en quelques mois.

Pendant 18 mois, Angela n’a quasiment pas dormi. Aujourd’hui, la jeune femme de 23 ans se raccroche à sa campagne pour la libération de son père qu’elle conçoit comme un “travail”, afin de mieux occulter l’infinie détresse qu’elle ressent.

Elle a parlé trois fois, par téléphone et toujours brièvement, avec son père depuis sa “disparition” le 17 octobre 2015. Il lui a toujours répété qu’il allait bien et qu’elle ne devait pas se mêler de cette affaire.

Convaincue qu’il a donné ces consignes sous la contrainte, elle a désobéi et organise régulièrement des événements pour qu’il ne tombe pas dans l’oubli. Elle est même intervenue lors d’une audition au Congrès des Etats-Unis consacrée à la répression des voix dissidentes en Chine.

“Mon père a passé une bonne partie de sa vie d’adulte à faire campagne pour des gens qui sont dans la situation qu’il vit aujourd’hui. Si j’étais dans son cas, il ne se tairait pas”, a-t-elle expliqué à l’AFP par téléphone en Angleterre.

– La Suède mobilisée –

La semaine dernière, l’étudiante qui entame son doctorat à Cambridge a eu les premières nouvelles de son père en un an, par l’intermédiaire de l’ambassadrice de Suède en Chine, Anna Lindstedt, qui a pu le rencontrer.

Né en Chine, résidant à Hong Kong, Gui Minhai a aussi la nationalité suédoise, pour avoir travaillé de nombreuses années en Suède. Angela elle-même a grandi à Göteborg et sa mère vit à Stockholm.

Lors de son entrevue avec Mme Lindstedt, Gui Minhai a assuré qu’il se sentait “bien”, a déclaré à l’AFP Patric Nilsson, directeur adjoint au ministère suédois des Affaires étrangères, ajoutant que son gouvernement travaillait sur son dossier.

“Cela a été un grand soulagement de savoir non seulement qu’il était en vie, mais aussi qu’il ne semblait pas aussi mal qu’on aurait pu le craindre”, confesse Angela, à laquelle on a assuré que son père ne présentait aucun signe visible de blessure.

Mme Lindstedt a également confié à Angela que son père avait principalement parlé d’elle pendant les 20 minutes de l’entrevue.

“Je lui suis reconnaissante du fait qu’elle lui ait dit que j’allais très bien et qu’il ne devait pas s’inquiéter”, poursuit la jeune femme.

Gui, aujourd’hui âgé de 52 ans, a “disparu” en 2015 alors qu’il était en vacances en Thaïlande. On ignore où il est détenu.

Dans une interview diffusée en janvier 2016 sur la chaîne officielle CCTV, filmée dans un centre de détention, Gui avait raconté être allé en Chine pour y assumer ses “responsabilités légales”, 11 ans après y avoir tué un étudiant dans un accident de voiture alors qu’il était ivre à Ningbo, dans la province de Zhejiang.

Des aveux balayés comme un “écran de fumée” par les organisations de défense des droits de l’Homme.

– Elle-même mise en garde –

Un responsable de la province de Zhejiang a affirmé à l’AFP que l’affaire était toujours à l’enquête et ne pouvait donc être commentée.

Gui est le seul des cinq libraires encore détenu. Un des quatre autre, Lam Wing-kee, a échappé aux autorités chinoises en enfreignant son contrôle judiciaire et fait des révélations explosives sur son arrestation et sa détention.

Angela, elle, se souvient que quand elle lui demandait s’il prenait des risques avec les livres qu’il publiait, son père répondait qu’elle ne devait pas s’inquiéter car son travail était légal à Hong Kong.

Il ne donnait cependant jamais son adresse personnelle mais utilisait une boîte postale.

De son côté, elle s’inquiète pour sa propre sécurité. Notamment depuis que deux Chinois qui prenaient des photos d’elle l’ont alpaguée lors d’un salon littéraire en Allemagne.

Elle a signalé l’incident aux polices britannique et suédoise. Et depuis, on lui a donné un numéro à appeler en cas d’urgence. On l’a aussi mise en garde contre tout voyage en Asie.

Le mois prochain, pour le deuxième anniversaire de la “disparition”, elle compte organiser une veillée près de l’ambassade de Chine à Londres.

“Quelque chose de très calme”, précise-t-elle. “Juste pour montrer que nous n’oublions pas”.

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