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Le “féminisme” version Mattel, nouvelle arme de promotion de Barbie

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Le “féminisme” version Mattel, nouvelle arme de promotion de Barbie

Depuis plusieurs mois, Barbie, la poupée phare de Mattel, surfe sur le féminisme. Un coup marketing évident du fabricant de jouets qui s’inscrit toutefois dans l’histoire de l’icône peroxydée.

Barbie, icône féministe ? C’est l’image qu’essaye de vendre le fabricant de jouets Mattel, alors que la célèbre poupée peroxydée fêtera ses 60 ans en 2019. Le groupe basé en Californie a ainsi annoncé le 9 octobre que Barbie allait collaborer à un programme baptisé “Dream gap” (“fossé des rêves”), visant à sensibiliser le public sur les différents “facteurs qui empêchent les petites filles d’atteindre leur plein potentiel”.

Selon certaines études, dès l’âge de cinq ans, les filles ont tendance à considérer les femmes comme moins intelligentes que les hommes et commencent à perdre confiance dans leurs capacités. C’est ce “Dream gap” dont Mattel veut venir à bout en “finançant la recherche, en mettant en valeur des modèles positifs et en créant une communauté d’entraide”. La poupée Barbie elle-même sera élevée au rang de “modèle” positif. La marque Barbie va notamment financer une chaire à l’université de New York, en collaboration avec le professeur Andrei Cimpian du département de psychologie, pour permettre de nouvelles études sur la représentation des femmes et les stéréotypes sexistes.

La carte du féminisme et de la diversité

Ce n’est pas la première fois que Mattel fait jouer à Barbie la carte du féminisme : il y a six mois, le groupe livrait sa vision des “Inspiring Women” (“femmes inspirantes”) à travers une série de Barbies à l’effigie de femmes célèbres : l’artiste mexicaine Frida Kahlo, la cheffe française Hélène Darroze, la snowboardeuse Chloe Kim, l’aviatrice américaine Amelia Earhart, la mathématicienne Katherine Johnson, ou encore la réalisatrice de “Wonder Woman” Patty Jenkins.

Autant de femmes “inspirantes” pour Mattel… mais pas sur le plan physique visiblement : bien qu’incarnant des personnalités différentes aux morphologies variées, toutes ces poupées ont été conçues avec la plastique irréelle de Barbie et ses jambes interminables.

Avec Barbie, Mattel a, en fait, toujours surfé sur les figures féminines sous les feux de l’actualité, quels que soient leurs profils : ainsi, si en 2009, il y eut la Barbie Angela Merkel alors que la chancelière était en route vers un second mandat. En 2012, un an après “le mariage du siècle” de Kate Middleton et du prince William, la duchesse de Cambridge avait droit à sa Barbie en robe de mariée en dentelle. Une femme qui se trouve un destin en épousant un prince ? Le scénario ressemble davantage à un cauchemar de féministes qu’à un modèle d’émancipation pour petites filles.

Alors que le féminisme a le vent en poupe avec le mouvement #metoo, difficile de voir dans ce nouvel engouement féministe de Barbie un acte politique, et non un coup marketing. Le groupe Mattel ne se porte pas si bien : après avoir vu son chiffre d’affaires global reculer de 10,5 % sur l’année 2017, 2 200 suppressions d’emplois à travers le monde ont été annoncées durant l’été 2018. Or, avec un bond de 9 % des ventes au dernier trimestre 2017, Barbie est l’un des seuls articles de la marque californienne à sauver la casse.

Le produit phare de Mattel tire son épingle du jeu en jouant la carte de la diversification : si dès 1967, une version afro-américaine, la cousine de Barbie, est commercialisée, c’est surtout ces dernières années que Mattel a multiplié les ouvertures pour diversifier le profil de la célèbre poupée jusqu’alors mince, blanche, blonde, et aux yeux bleus. Fin décembre 2017, le fabricant de jouets a ainsi lancé une figurine en l’honneur de l’escrimeuse Ibtihaj Muhammad, première athlète américaine voilée aux Jeux olympiques. Début 2016, Mattel a aussi lancé des versions “ronde”, “petite” et “grande” de la poupée Barbie. La même année, la première Barbie “lesbienne” inspirée de la joueuse de football américaine et homosexuelle, Abby Wambach, voyait le jour.

Une jeune femme glamour ni mariée, ni mère de famille

Barbie reflète certaines évolutions de la société et, par là même, conquiert de nouveaux marchés. Il en a toujours été ainsi. C’est ce qu’a mis à jour la première exposition, en 2016, consacrée à la poupée Mattel au Musée des Arts Décoratifs. Barbie y était présentée comme “un miroir de son temps”. “Souvent attaquée, Barbie a beaucoup évolué pour répondre à ces critiques, et présente une évolution générale semblable à celle de notre société”, estimait ainsi la commissaire de l’exposition, Anne Monnier, dans le catalogue de l’événement.

Dans l’inconscient collectif, le terme Barbie est aujourd’hui synonyme d’une incarnation cliché et superficielle de la féminité. L’archétype de la femme-objet comme dans les paroles du tube planétaire “Barbie Girl” du groupe Aqua en 1997 : “Je suis une fille Barbie dans un monde Barbie. (…) Je suis une bimbo blonde dans un monde de fantasmes. (…) Tu peux coiffer mes cheveux, me déshabiller où tu veux. (…) Fais-moi parler, fais-moi marcher, fais tout ce que tu veux (…)”.

Mais l’image véhiculée par Barbie est plus complexe qu’il n’y paraît. Lorsqu’elle voit le jour en 1959, créée par une certaine Ruth Handler, cette poupée avec des seins ne ressemble à aucune autre. “Ruth Handler souhaite faire de Barbie un modèle de jeune femme glamour et refuse donc que Barbie soit mariée ou mère de famille. Barbie s’inscrit ainsi en marge des rôles offerts aux femmes à cette époque, et certains craignent que la poupée ne remette en cause l’importance du rôle maternel pour les femmes. Barbie peut même incarner, à sa naissance, une alternative à l’image omniprésente de la femme esclave des corvées ménagères”, analyse Anne Monnier.

Avec la poupée Barbie, les petites filles ne sont plus réduites à jouer à la maman avec des poupons, elles peuvent se projeter adulte dans d’autres rôles. “Dès le début des années 1960, Barbie a des carrières (infirmière, hôtesse de l’air, employée de bureau…), qui se diversifient au cours de la décennie (astronaute, professeur…). En choisissant leur poupée Barbie, les petites filles ont donc la liberté de choisir qui elles souhaitent être”, relève encore la commissaire de l’exposition. Pendant longtemps, par ailleurs, la cuisine ne fera pas partie de l’univers Barbie.

Avant-gardiste à l’occasion

Si Barbie depuis sa création a eu plus d’une centaine de métiers, c’est surtout aux loisirs qu’elle est associée : “Le fait que la première Barbie soit en maillot de bain et que le thème de la plage ait autant d’importance dans son univers va de pair avec la démocratisation des vacances d’été à la fin des années 1950 dans les pays occidentaux”, selon Anne Monnier. Et quand elle n’est pas à la plage, au ski ou au travail, Barbie dépense son argent en faisant du shopping : une certaine idée de l’indépendance…

Barbie a même parfois su être en avance sur son temps en matière de libération des femmes : n’a-t-elle pas marché sur la lune dès 1965, quatre ans avant Neil Armstrong ? Et n’a-t-elle pas été candidate à la présidentielle dès 1992, en jupon de tulle bleu certes, quand il a fallu attendre 2016 pour qu’un parti majeur aux États-Unis investisse une femme – Hillary Clinton – dans la course à la Maison-Blanche ?

Première publication : 13/10/2018

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