
Le gouvernement séparatiste de Catalogne a reconnu que la vaste opération policière menée dans la région avait “altéré” l’organisation du référendum d’autodétermination interdit par Madrid, que des milliers de manifestants réclamaient toujours jeudi à Barcelone.
“Les règles du jeu ont été altérées”, a déclaré le vice-président du gouvernement régional, Oriol Junqueras, après l’arrestation de 14 hauts responsables du gouvernement de la Catalogne au coeur de l’organisation du référendum, dont son bras droit.
L’opération était présentée jeudi par la presse comme un coup décisif porté au scrutin convoqué pour le 1er octobre, malgré l’interdiction de la Cour constitutionnelle.
M. Junqueras, un indépendantiste de gauche, a assuré que son objectif était toujours d’organiser le référendum même s’il est “évident que nous ne sommes pas en mesure de voter comme d’habitude”, a-t-il dit.
Les forces de l’ordre ont aussi saisi mardi et mercredi près de 10 millions de bulletins de vote ainsi que les convocations qui devaient être adressées à environ 45.000 assesseurs.
Le gouvernement catalan a aussi vu ses comptes mis sous tutelle par le ministère du Budget afin d’empêcher toute dépense illégale. Elles n’ont en revanche pas encore mis la main sur les urnes elles-mêmes.
Les Catalans sont partagés presque à parts égales entre indépendantistes et ceux qui veulent que la Catalogne (7,5 millions d’habitants) reste une région d’Espagne.
En revanche, plus de 70% souhaitent pouvoir s’exprimer à travers un référendum en bonne et due forme.
Ils assistent pour certains avec une grande lassitude à l’affrontement entre le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy et les indépendantistes qui dirigent leur région, les deux camps assurant défendre la démocratie.
M. Rajoy refuse ce référendum au nom du respect de la Constitution, garante de la démocratie et de l’unité du pays.
Carles Puigdemont, le président séparatiste de la Catalogne, fait valoir que le peuple catalan doit pouvoir se prononcer sur son avenir, au nom d’un “droit civil” indispensable dans un régime démocratique.
– Mobilisation permanente –
Dans la rue, des milliers de manifestants ont entamé jeudi une nouvelle étape de “mobilisation permanente” pour le droit à l’autodétermination qu’ils réclament depuis 2012.
Ils étaient massés à partir de midi (10h00 GMT) devant la Cour d’appel de la Catalogne à Barcelone, réclamant aussi la libération des onze personnes arrêtées mercredi, encore en garde à vue, selon un journaliste de l’AFP.
“Nous continuerons jusqu’à ce que l’on cesse de nous menacer”, prévenait Ana Robredo, une femme de 57 ans originaire de la Rioja (nord), installée en Catalogne depuis 40 ans. “Il n’y a pas de marche arrière possible sur cette mobilisation”, renchérissait son mari Antonio Recacha.
Jeudi matin, le ministre espagnol de l’Economie Luis de Guindos a assuré que le gouvernement avait “toujours la main tendue” vers les séparatistes “à condition qu’ils respectent la légalité”.
Mercredi M. Rajoy leur avait demandé de “renoncer une fois pour toutes à cette escalade de radicalité et de désobéissance”.
Le Parti socialiste, premier parti d’opposition, a apporté son soutien aux conservateurs, demandant jeudi à Carles Puigdemont de renoncer au référendum. “Nous sommes du côté de l’Etat de droit”, a ajouté sa présidente, Cristina Narbona.
L’incertitude demeure sur “les conséquences politiques et sociales” du cycle répression-contestation, a souligné le quotidien El Mundo.
La réponse judiciaire aux revendications de la société a suscité mercredi beaucoup de critiques dans la région.
Le FC Barcelone, des universités publiques et le prestigieux festival de musique Primavera Sound ont dénoncé les opérations de police. Et dans le grand théâtre du Liceu, symbole de la bourgeoisie catalane, le public a entonné l’hymne catalan mercredi soir, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux.
L’indépendantisme a gagné du terrain avec la crise économique et l’annulation partielle en 2010 d’un statut d’autonomie qui leur accordait de larges compétences.
Par le jeu de la pondération des voix, les séparatistes sont majoritaires en sièges au Parlement régional depuis septembre 2015.
Ils ont été élus sur une “feuille de route” prévoyant qu’ils déclareraient l’indépendance en 2017 et pourraient encore s’y tenir même si le référendum n’avait pas lieu.
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